Ouvriers de la 11ème heure ?

Culte du 27 septembre 2020  avec Baptême Ilouniana  Rakotoarson

 Pasteur Denis Heller

Matthieu 20 v 1 à 16

« 1Voici en effet à quoi le règne des cieux est semblable : un maître de maison qui était sorti de bon matin embaucher des ouvriers pour sa vigne.

2Il se mit d’accord avec les ouvriers pour un denier par jour et les envoya dans sa vigne.

3Il sortit vers la troisième heure, en vit d’autres qui étaient sur la place sans rien faire

4et leur dit : « Allez dans la vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste. »

5Ils y allèrent. Il sortit encore vers la sixième, puis vers la neuvième heure, et il fit de même.

6Vers la onzième heure il sortit encore, en trouva d’autres qui se tenaient là et leur dit : « Pourquoi êtes-vous restés ici toute la journée sans rien faire ? »

7Ils lui répondirent : « C’est que personne ne nous a embauchés. — Allez dans la vigne, vous aussi », leur dit-il.

8Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : « Appelle les ouvriers et paie-leur leur salaire, en allant des derniers aux premiers. »

9Ceux de la onzième heure vinrent et reçurent chacun un denier.

10Les premiers vinrent ensuite, pensant recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun un denier.

11En le recevant, ils se mirent à maugréer contre le maître de maison

12et dirent : « Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons supporté le poids du jour et la chaleur ! »

13Il répondit à l’un d’eux : « Mon ami, je ne te fais pas de tort ; ne t’es-tu pas mis d’accord avec moi pour un denier ? »

14Prends ce qui est à toi et va-t’en. Je veux donner à celui qui est le dernier autant qu’à toi.

15Ne m’est-il pas permis de faire de mes biens ce que je veux ? Ou bien verrais-tu d’un mauvais œil que je sois bon ? »

16C’est ainsi que les derniers seront premiers et les premiers dernier »

Chers amis,

A la lecture de la parabole dite des ouvriers de la 11éme heure, ou parabole, ce qui est plus explicite,  des ouvriers embauchés à différentes heures , quelle réaction ? Quelle réaction , je dirais, naturelle, spontanée qui vous vient à l’esprit ? Celle de crier, celle de crier au scandale, celle de dénoncer une injustice flagrante. ?

Pensez donc ! les ouvriers, qui ont travaillé dès la 1ére heure, reçoivent autant que ceux qui ont commencé à travailler la 11éme heure. Pensez donc, ceux qui ont travaillé tout le jour dans la vigne sous la chaleur, ont connu la fatigue du jour, ne gagnent pas plus que ceux qui les ont rejoints à la dernière minute, à la 11éme heure. C’est comme si les 10 h de plus de travail qu’ils avaient faits ne comptaient pas. C’est se moquer d’eux. Cela vaut bien une pétition, à faire circuler sur les réseaux sociaux, voire plus une manifestation  à programmer , syndicats en tête mais sans violence pour dénoncer une décision injuste, inacceptable. Les premiers comme les dernier traités de la même manière, recevant le même denier, le même salaire. Le monde à l’envers, vous dis-je !

Heureusement, le monde de la justice est construit sur les règles des équivalences et des proportions. Pour tant d’heures de travail , tant de salaire . Ce qu’est la loi du talion en matière de justice pénale . Œil pour œil , dent pour dent.  Pour un délit sur un œil , une peine qui correspond à la valeur d’un œil et non pas d’une dent.

Mais ici ,on marche sur la tête ; cela vaut bien une manifestation,  une révolution menée par les ouvriers de la 1ere heure contre un maître en dessous de tout !

Et dire que c’est Jésus qui ose raconter cette parabole. Le suivre sur ce terrain-là, dans l’organisation du monde du travail , c’est le chaos assuré, l’anarchie garantie. Est-ce cela qu’il est venu annoncer au monde ?

Chers amis. Ne nous méprenons pas sur la nature de ce que Jésus partage, sur la visée de sa parabole. D’ailleurs à y faire attention, les premiers mots de cette parabole nous avertissent. Ne nous trompons pas. Jésus n’a pas l’intention de délivrer un nouveau code du travail, ni de rédiger une nouvelle réglementation qui légifère en matière  de travail agricole, entre les ouvriers vignerons et le maître propriétaire . Il n’a pas l’intention de fixer les grilles de salaire, ni les taux horaires, ni les droits des travailleurs agricoles.

Voilà comment il commence sa parabole : «  Car le royaume des cieux est semblable ou autre traduction, car le royaume des cieux est comparable à «  Est-ce à dire alors que Jésus nous parle d’une réalité ,du royaume des cieux qui serait totalement déconnectée de notre monde ? D’un ailleurs, d’un autre monde qui n’aurait rien à voir avec le nôtre ?; Quel intérêt aurait alors cette parabole pour nous ?

Non , il illustre par cette parabole ,une dimension autre, spirituelle, évangélique, profonde qui rejoint, peut rejoindre notre quotidien. Cette parabole nous ouvre à ce qui peut se vivre, hier comme aujourd’hui entre Dieu et les humains et entre les humains justement à la lumière de l’Évangile , à la lumière de la venue de Jésus-Christ parmi nous. En effet comment parler , comment évoquer, comment comprendre cette réalité  de la présence de Dieu pour les humains et parmi les humains si ce n’est par des symboles, par des images, par des illustrations, par des paraboles ?

Le tout début de notre parabole avait son importance pour nous rappeler le but recherché : le royaume des cieux ou le royaume de Dieu est comparable à , est semblable à…Une parabole pour nous faire toucher du doigt , pour nous faire toucher du cœur qui est Dieu pour les humains, ce que sa présence   peut susciter et provoquer dans nos vies.

Un autre passage de la parabole a aussi son importance . Après le début, c’est quasiment la fin ; quasiment le dernier verset . Je le cite. « Ne m’est-il pas permis de faire de mon bien ce que je veux, ou vois-tu d’un mauvais œil que je sois bon ? » Parole du maître propriétaire , censé représenter Dieu , adressée  aux ouvriers de la 1ere heure  qui revendiquent un juste salaire, supérieure à celui accordé aux ouvriers de la 11éme heure .

« Ne m’est-il pas permis de faire de mon bien ce que je veux ? Ou vois-tu d’un mauvais œil que je sois bon ? »

En fait quelle est la nature de ce denier que tous reçoivent les premiers comme les derniers , denier qu’il avait promis aux premiers et qu’il donne aussi aux derniers ?

Qu’est-ce que ce denier reçu par tous, lorsqu’on le situe dans une parabole illustrant le royaume des cieux, de Dieu ? Parabole où le maître figure Dieu et les ouvriers les humains.

Assurément pas de l’argent !  A ce que je sache , nous ne recevons pas directement de Dieu notre salaire.  Des dons ? des charismes ? des capacités ? A ce que je sache , nous sommes différents; heureusement d’ailleurs !  Quel est ce bien , son bien qui appartiendrait à Dieu seul et qu’il délivrerait à tous de façon égal e? Ce ne sont pas nos capacités intellectuelles ou physiques, car là aussi nous sommes différents et heureusement d’ailleurs.

Ce denier accordé , la parabole nous le dit, provient du bien maître et ce bien , il le dit lui-même, c’est sa bonté , autre manière de le dire, son amour, sa miséricorde, sa grâce.

Alors notre parabole prend de la chair, prend de la couleur, de la vigueur, prend de la profondeur. L’amour que Dieu porte à celui qui a travaillé une heure comme onze heures est le même. Sa grâce accordée gratuitement n’est pas fonction de leurs œuvres, de nos bonnes œuvres , ni de la réussite ou  non de notre travail. Il n’est pas conditionné à ce que ce nous faisons mais à ce que nous sommes : ses ouvriers, ses créatures, ses enfants.

L’essentiel est d’être avec Lui au travail, dans la vigne, par la confiance et la foi , en prenant au sérieux son appel et sa présence.

Qu’importe nos réalisations, nos prouesses, nos manques, nos échecs.

Certes dans d’autres paraboles, Jésus invitera chacun à œuvrer, à faire fructifier ses talents et ses dons.

Mais son amour pour nous ne dépend pas du niveau de nos performances que nous soyons jeunes ou vieux, handicapés, invalides ou actifs, malades ou bien portants , sûrs de nous ou hésitants. A ses yeux nous avons du prix. Nous avons un dignité . Nous avons de la valeur, celle du denier de sa grâce, du denier de son amour ; ce qui nous donne confiance, ce qui donne sens à nos existences. Oui, que nous soyons ouvriers de la première heure ou ouvriers de la onzième heure , il nous accueille et nous aime pour ce que nous sommes : ses ouvriers, ses enfants, ses créatures et non pour ce que nous faisons.

Un amour inconditionnel ; une grâce accordée qui est une force pour chaque jour, au milieu de nos faiblesses et de nos peurs. A chacun de vous de voir si il est ouvrier de la 1ére heure ou de la 11éme heure ou de la 6éme heure ou encore ouvrier en attente , désireux d’être dans la vigne mais encore à l’extérieur , à l’écoute d’un appel ou d’une invitation pour y entrer, pour y œuvrer dans la foi et la confiance.

Et puisque nous sommes aujourd’hui , jour de baptême de Ilouniana, je m’adresse à toi, Ilouniana pour te dire que tu es à la fois l’ouvrier de la 1ére heure, et l’ouvrier de la 11éme heure . Pour le moment tu ne comprends  pas ! mais plus tard tes parents te raconteront.  Je m’explique.

Oui, ouvrier de la 1ére heure, si j’assimile la vigne à ta famille de chair et de sang. Si j’assimile le maître à tes parents Andry et Rova. En effet, tu es leur 1er enfant . Tu es et tu seras toujours le fils aîné, le fils aîné de la famille. Tu seras toujours le 1er, le 1er à vivre dans cette famille.

Le denier qui t’es déjà accordé, c’est le denier de leur amour, de leur attention, de  leur affection pour toi. Je reste convaincu que le jour tu  auras un frère , une sœur, tes parents auront  autant d’amour pour eux que pour toi. Ce n’est pas parce que un jour tu auras peut être des frères et des sœurs que l’amour de tes parents pour toi sera moindre. Tu n’auras pas à revendiquer plus d’amour parce que tu es le premier.

A l’image de la Parabole , ils t’aiment eux aussi, pour ce que tu es : leur enfant, leur fils et non pour ce que tu fais déjà ou pour ce que tu feras plus tard. Un amour inconditionnel pour l’ouvrier de la 1ére heure que tu es.

Mais aujourd’hui ,nous t’avons baptisé pour dire non seulement, que tu es le 1er enfant de cette famille que tu constitues avec tes parents, mais que tu es en quelque sorte ,cette fois ci, le dernier de cette grande famille des enfants de Dieu . Tu es peut être le plus jeune d’entre nous ce matin. Tu es parmi les derniers à rejoindre la vigne du Seigneur. Tu es parmi nous tous le dernier ouvrier. D’ailleurs, il est presque 11 heures à ma montre . Tu es l’ouvrier de la 11éme heure ! Tu n’ as pas encore fait grand-chose  et pourtant le denier de l’amour de Dieu pour toi t’a été déjà promis, t’a déjà été offert : sa présence, son esprit, son soutien te sont offerts.

Ta vie prend sens, a un sens. Tu n’es pas livré au hasard ni au chaos, ni à une vie absurde. Cet amour promis te trace déjà une direction, une orientation. Tu es appelé à vivre, à rester, à travailler dans cette vigne de Dieu, où chacun a sa place , est considéré, estimé pour ce qu’il est ; un être humain, unique , singulier, précieux, digne, une créature vivante, digne d’être aimé et d’aimer.

Mais sais-tu Ilouniana, si Dieu t’aime pour ce que tu es et non pour ce que tu fais , il t’appelle, il t’appellera comme chacun de nous à prendre ce même chemin ?

A savoir aimer, aimer le prochain pour ce qu’il est c’est à dire un prochain et non pour ce qu’il fait, te fait ou ne fait pas.

Là est le chemin d’une grande liberté , liberté de l’Évangile.

Qu’il soit le tien. Qu’il soit le nôtre .

Amen