Noé : le Déluge

Lectures :  Genèse 6, 9 –22, Noé : le Déluge.

Prédication :  

Voilà le Déluge ! La catastrophe arrive par la volonté de Dieu qui veut, ainsi, « punir » l’humanité de ses penchants pour le mal et pour la méchanceté. Nous avons lu, il y a quinze jours, dans le prologue au Déluge, qu’en effet, des « fils de Dieu », des hommes puissants, usent de leur pouvoir pour abuser des plus faibles…

Que Dieu s’émeuve – voire se révolte – de la violence des puissants envers les plus faibles, nous ne pouvons que le comprendre et peut-être même partager sa colère ! Qu’IL regrette, qu’IL se repente d’avoir créé l’humain dont la méchanceté s’est répandue sur la terre, là encore qui ne comprendrait pas des telles pensées ?

En revanche, ce qui est troublant, c’est que Dieu met toute l’humanité dans le même sac jugeant sans aucune distinction que le « cœur » humain « ne concevait jamais que des pensées mauvaises » (Gen6v5) et que ce jugement général le conduise à punir, à anéantir les humains dans leur totalité, voir même la création toute entière, toute faune et flore confondue ! Si les humains sont méchants et méritent une correction – qu’en est-il du reste de la création, animaux, arbres et plantes ? Quel mal auraient-ils commis ? … Et si quelques humains se sont rendus coupables de faits de violence et de cruauté, qu’en est-il des autres, des victimes de cette violence, notamment ?

Il est clair que Dieu ne fait pas dans la dentelle et que dans sa colère IL est décidé d’exercer lui-même de la violence – sans distinction et tant pis pour les « dégâts collatéraux » !

N’est-ce pas profondément injuste et arbitraire ? Cela me rappelle les punitions collectives que l’on subissait parfois en primaire quand un ou quelques élèves transgressaient les règles…

C’est ce que nous pouvons penser et ressentir si nous lisons ce récit comme un récit historique, un « fait réel » dans lequel Dieu est un acteur comme n’importe quel autre acteur – avec la particularité qu’il est doté d’une toute-puissance écrasante et qu’il agit de façon arbitraire et aléatoire, guidé par ses seules émotions du moment … comme le font, en général les humains ! Bref, si Dieu était un dieu « créé par l’homme à sa propre image et ressemblance » ! …

Or, le Dieu de la Bible, le Dieu de la Création et de Noé n’est pas un dieu lunatique à l’image de ceux qui peuplent le panthéon des religions polythéistes antiques… Par exemple : dans les mythes de ces religions, notamment, babyloniennes, le Déluge est déclenché par des dieux qui sont gênés par le bruit que font les hommes pour lesquels ils n’ont d’ailleurs que de l’indifférence et du mépris ! …Le Dieu de la Bible, de la Création, de Noé – et de Jésus-Christ, en revanche est un Dieu qui crée la vie par amour pour les créatures et qui n’est ni indifférent, ni lunatique à leur égard !

Le choix d’anéantir la création est en vérité le choix de détruire la violence qui s’était généralisée sur la terre, violence dont tout humain est, à la fois victime et acteur !

Alors oui, Dieu se « repent » d’avoir créé les humains. Il veut mettre fin à la violence, à la méchanceté qui s’est multipliée autant que se sont multipliés les humains. Il envisage une solution radicale : « Aux yeux de Dieu, l’humanité était corrompue : partout ce n’était que violence. … IL dit alors à Noé : ‘J’ai décidé d’en finir avec tous les humains. Par leur faute, le monde est en effet rempli de violence ; je vais les supprimer de la terre’ » (Gen7v11-13). … Cependant, Dieu s’arrange pour ne pas tout détruire : entre son projet de table rase de la création et sa mise en œuvre effective, il laisse entrouverte une porte de secours sous forme d’une arche construite par un homme, un seul, qui « trouva grâce aux yeux du SEIGNEUR » (Gen6v8) : Noé et sa descendance.

Il y a 15 jours, nous avons terminé notre lecture avec ce verset – et la question qui se pose alors : Pourquoi Noé – et non pas les autres ?

En quoi Noé est-il différent des autres humains qui vont subir l’anéantissement par le Déluge ?

Le premier verset de notre lecture d’aujourd’hui propose une réponse :

« Noé était un homme juste et intègre parmi les générations de son temps ; Noé marchait avec Dieu » (Gen6v9).

Que signifie cette qualification « d’homme juste » dans la Bible ?

En hébreu, le mot « juste » (tsedèk) désigne, à la base, « ce qui est droit, exact, conforme ». La justice est le respect du droit, des règles sociales et peut également se dire du salut accordé par Dieu à son peuple : ses actes de délivrance dans l’histoire en faveur de son peuple !

En réponse à la « Justice de Dieu » qui sauve, la justice de l’homme se traduit par la pratique du droit et de la justice sociale qui prend en considération les droits de chacun, et particulièrement des plus petits, des pauvres.  Ainsi, la justice est moins une rectitude morale que la conformité à la justice de Dieu. Cette conformité à la justice de Dieu peut alors se trouver en non-conformité avec « la justice des hommes » : avec ses règles morales et sociales – et c’est bien souvent le cas !

Après Noé (en effet, dans la Bible, l’expression « homme juste » apparaît ici pour la première fois pour désigner Noé), y a t-il d’autres personnages bibliques « reconnus comme justes » ?

Abraham – riche cultivateur de bétail – choisi d’écouter la voix de Dieu qui l’appelle de partir « vers un pays inconnu » et un avenir incertain, plutôt que de continuer à s’enrichir paisiblement et raisonnablement sur les terres de ses ancêtres.

Tamar, nous l’avons rencontrée dans la généalogie de Jésus, qui, pour rester à l’écoute de la volonté de Dieu de créer la vie, se transforme en prostituée occasionnelle.

Joseph, le fiancé de Marie, lui aussi choisit d’écouter la Parole de l’ange du Seigneur en accueillant Marie comme épouse – alors qu’elle venait tomber enceinte d’un autre et qu’il aurait eu le droit de la répudier.

Marie elle-même choisit de faire confiance à la Parole de Dieu qui lui annonce la conception du Sauveur en son sein – au lieu de refuser une telle proposition peu conforme à la raison et la morale humaine de son temps.

Enfin, Noé lui-même est le seul homme de sa génération qui écoute et prend au sérieux la Parole que Dieu lui adresse – pour lui confier son projet de sauvetage qui va empêcher le Déluge d’anéantir toute la création : « Fais-toi une arche …et fais-y entrer un couple de chaque espèce vivante, … pour les conserver en vie avec toi ». Et le récit de conclure sur cet épisode du récit : « Noé fit exactement ce que Dieu lui avait ordonné. Ainsi fit-il » (Gen6v14-22)

Quelques dizaines de siècles plus tard, apparaît un lointain descendant de Noé dont les disciples diront qu’il est la « Parole de Dieu faite chair ». Lui-même dira : « Je suis dans le Père et le Père est en moi » (Jean14v11). L’arche qui sauve du Déluge c’est désormais le Christ.

Homme juste par excellence, c’est en lui et par lui que Dieu nous reconnaît comme juste :

C’est par sa foi que nous sommes portés et non par la nôtre. C’est son Amour plus fort que la mort qui nous porte ici-bas et jusqu’à l’au-delà. C’est de cette foi et de cet amour-là qu’il nous appelle à être témoins : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jean13v34-35).

Le récit du Déluge veut signifier que Dieu déteste la méchanceté et le mal et qu’il met tout en œuvre pour les détruire. La venue de son fils Jésus, reconnu comme le Christ, est l’épilogue du Déluge. En lui, toute l’humanité est sauvée, en un seul juste.

Amen.

Pasteur Andréas Seyboldt