correction fraternelle, discipline fraternelle voire même …

Matthieu 18 v 15 à 20

Curieuse manière, me direz-vous, de nous retrouver en Église après les périodes de vacances que de  nous intéresser ce matin à ce passage de l’Évangile de Matthieu, un passage intitulé dans nos Bibles et dans les commentaires : «  correction fraternelle, discipline fraternelle voire même discipline ecclésiastique » ; rien de très attirant ! .

 En période de retrouvailles, tout juste une semaine avant le culte de rentrée ,en période de redémarrage de la vie communautaire et de nos activités, il y aurait mieux à faire pour dynamiser notre vie paroissiale , pour nous donner le goût des rencontres, pour susciter la participation et l’engagement du plus grand nombre.

Mieux à faire, en évoquant le nouveau projet de vie paroissiale 2017-2022, élaboré par le conseil presbytéral, débattu en Église qui a comme titres de chapitres : le culte, la spiritualité, la vie communautaire et notre Église dans la société.

Mieux à faire, en présentant la thématique « Protestants 2017 , 500 ans de Réforme , Vivre la fraternité », ce qui donnera lieu à un voyage paroissial à Strasbourg, ce qui suscitera un grand rassemblement des protestants de France en Alsace fin octobre.

Mieux à faire, en parlant de la joie de l’Évangile , la joie du partage entre frères et sœurs dans la louange , le chant et la réflexion, la joie de la rencontre entre frères et sœurs qui se savent aimés de Dieu d’un même amour.

Mieux à faire, en insistant sur la nécessaire participation à la vie communautaire pour mieux penser sa foi et pour trouver des forces pour l’engagement de chaque jour au service de la paix et de la dignité humaine.

 Mieux à faire, en vous sollicitant pour œuvrer au sein de l’Entraide paroissiale, du Centre 72 , de la Maison des Jeunes .

Non rien de tout cela pour commencer notre année ecclésiale , Rien de très enthousiasmant, rien de très dynamisant, ni réjouissant sinon le rappel de règles internes pour , semble-il , pourfendre le pêcheur, le dénoncer, le juger, en tous les cas ne pas le laisser tranquille tant qu’il ne reconnaît pas son péché, sa faute ! ? Des recommandations  dures, difficiles à entendre qui pourraient laisser croire alors que l’Église serait un lieu où chacun se suspecte, s’épie, se surveille pour repérer la faute et reprendre son voisin.

Rien de très exaltant et il est vrai que dans l’histoire de l’Église et aujourd’hui encore dans le christianisme, ce passage a fait l’objet d’interprétations diverses conduisant parfois à faire des communautés chrétiennes, des communautés étouffantes, suspicieuses, lourdes d’un jugement, d’un jugement mutuel et d’une discipline de fer.

Où est la joie de l’Évangile , la joie de la liberté de vivre en enfants de Dieu, de partager en frères et sœurs du Christ ?

Des communautés de purs, obsédés par le péché , faisant peser le poids de la culpabilité et de la faute sur les consciences et les âmes . Un Évangile du jugement  de la faute qui dénonce, sanctionne, punit, exclut, juge, excommunie. Une Église chrétienne donneuse de leçons, gardienne de la morale, pourchassant le mal et le pécheur. C’est bien ainsi que ce passage pourrait être compris : aller voir le frère qui a péché, le reprendre. Si il n’écoute pas en parler à une ou deux autres personnes. Si il refuse toujours, en parler à l’Église. Et si il s’entête le considérer,  alors comme un païen ou un collecteur d’impôts. Une règle , une procédure qui semble implacable, impitoyable. Et pourtant si ces recommandations sur la vie communautaire que Jésus adresse à ses disciples et que l’évangéliste Matthieu adresse aux premières Églises chrétiennes, étaient plutôt pour nous bonne  nouvelle, promesse de vie , appel vivre plus intensément un évangile suscitant l’amour et la fraternité.

Trois brèves remarques,  qui nous incitent à aller dans ce sens là dans cette recherche d’une fraternité évangélique véritable .

La première : Tout l’ensemble du chapitre 18 de Matthieu , et dés ses premiers versets,  est consacré aux petits, aux plus faibles , en particulier aux enfants à accueillir, à recevoir à l’image du Royaume des cieux . « Gardez vous de mépriser un seul de ces petits car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu ». Ce petit perdu, c’est aussi la brebis égarée que le berger part chercher pour la retrouver. « De même ce n’est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu’il se perde un seul de ces petits » .La brebis égarée, à aller chercher , le petit à accueillir et à ne pas mépriser , le petit, le faible à ne pas perdre, c’est le frère , c’est la sœur qui s’égare, qui se perd, que je perds, et qui par son comportement se sépare et s’éloigne.

Changement complet de perspectives ; aller vers lui non pas pour le juger, ni le sanctionner , ni lui faire la leçon,  ni l’enfoncer davantage mais plutôt avec bienveillance se soucier de lui, ne pas le perdre, ne pas le mépriser pour le retrouver, pour renouer avec lui le lien qui a été rompu par le péché ; le péché provoquant toujours cassure et rupture , cassure et rupture de relations. Le garder comme frère pour vivre avec lui malgré son péché, malgré son comportement , malgré la cassure, toujours et encore  la fraternité.

Deuxième remarque qui nous stimule pour partir à la recherche d’une fraternité évangélique véritable .

Si le chapitre 18 commence par la considération à avoir à l’égard du petit, du faible , de celui qui est tombé, il se termine par un exhortation au pardon. Tout juste après notre passage : je cite : «  Alors Pierre s’ approcha et lui dit Seigneur combien de fois pardonnerai je à mon frère lorsqu’il péchera contre moi ; jusqu’à 7 fois ? Jésus lui dit : « je ne te dis pas jusqu’à 7 fois mais jusqu’à 70 fois 7 fois. « 

Le lien avec un frère s’est rompu à cause de son comportement. Tentative est faite de renouer avec lui en face à face  puis en groupe. Rien n’y fait . Comment poursuivre sinon par le pardon accordé même si la réconciliation n’a pu se faire ?  Certes, il est à considérer comme un païen, nous est il dit car pour qu’il y ait réconciliation pleine et entière, il faut que les deux parties se retrouvent, se reconnaissent, se parlent.

Pour autant, le pardon peut prendre le dessus. C’est bien ainsi  que se termine notre chapitre 18 par une exhortation au pardon. Cela à travers la parabole du serviteur impitoyable . Un serviteur est au bénéfice du pardon d’un maître , de Dieu , de sa grâce et pourtant il est incapable de pardonner à son frère. Un non sens ? Une attitude qui révèle que ce serviteur impitoyable n’ a rien compris au pardon de Dieu.

Une attention au plus faible à ne pas mépriser, un pardon à accorder même si la réconciliation n’ a pu encore s’effectuer.

Enfin 3éme et dernière remarque ; l’appel à la prière. Tout juste après notre passage, appelé souvent « de la correction fraternelle » ,que je préfère appeler « de la réconciliation fraternelle », un appel à la prière.

« Si deux d’entre vous s’accordent , littéralement se retrouvent en symphonie, pour demander quoique ce soit, cela leur sera donné par mon Père » Si cette réconciliation n’a pas pu se vivre, il y a encore la force de la prière . Se retrouver à deux devant Dieu dans la prière pour s’accorder, s’ajuster en symphonie entre  frères et sœurs. Renouer, retrouver ce lien rompu en passant par le lien à Dieu qui est celui de la prière.

Croire, espérer toujours et encore que la brebis perdue, que le frère perdu sera retrouvé et pour cela ne pas le mépriser et croire toujours et encore à la force du pardon et de la prière .

Et si tout compte fait, cette recommandation relative à la vie communautaire était pour nous en ce temps de retrouvailles, un appel fort à vivre pleinement une vie fraternelle, une vie communautaire.

Se soucier les uns des autres et en particulier ne pas mépriser les plus faibles , partager ensemble la force du pardon et de la prière. Aller les uns vers les autres non pas nous juger mutuellement mais pour nous soutenir mutuellement et vivre en frères et sœurs en Christ.

Beau programme que voilà à vivre , avec l’aide de Dieu ! Amen

le 10 septembre 2017   Pasteur Denis Heller