L’herbe des champs

L’herbe des champs !

Esaïe  40 v 6 à 8

Une voix dit : Crie ! Et l’on répond : Que crierai-je ? Toute chair est de l’herbe, Et tout son éclat comme la fleur des champs.7L’herbe sèche, la fleur se fane, Quand le vent de l’Éternel souffle dessus.

Certes le peuple est de l’herbe :

8L’herbe sèche, la fleur se fane ; Mais la parole de notre Dieu subsistera éternellement.

Marc 4 v 26 à 29

26Il dit encore : Il en est du royaume de Dieu comme d’un homme qui jette de la semence en terre ;

27qu’il dorme ou qu’il veille, nuit et jour, la semence germe et croît sans qu’il sache comment.

28La terre produit d’elle-même, premièrement l’herbe, puis l’épi, enfin le blé bien formé dans l’épi ;

29et dès que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est là

 

Nous allons parler « herbes » ce matin . Précisons bien les termes . Je ne veux pas dire » joints » , ni cannabis, ni haschisch ni marijuana ou que sais je encore ? .

Non, nous allons parler de cette herbe du jardin que nous avons là devant nos yeux et que l’architecture de notre lieu de culte nous donne à voir et en plus sous le soleil, en cette belle journée de printemps.

Une prédication inhabituelle, en ce temps de vacances scolaires, en cette période de l’année où tout reverdit à foison ,avec pour le plaisir des yeux de multiples couleurs de fleurs.

Une prédication qui sera une invitation à contempler autrement cette verdure qui nous entoure et qui resurgit en cette saison printanière ; cela lors de vos prochaines promenades ou escapades.

Car comme vous l’aurez vu ou plutôt pu l’entendre, les auteurs bibliques nous invitent à entrer dans de profondes considérations  métaphysiques et spirituelles, voire à jeter un regard en profondeur sur la condition humaine ; cela simplement en regardant un brin d’herbe !

Contrairement à ce que nous pourrions croire, la contemplation de l’herbe des champs donne davantage à penser et à méditer que la contemplation des étoiles et d’une nuit étoilée.
Il a bien fallu me limiter dans le choix des passages bibliques  à lire mais j’aurais pu multiplier les exemples dans lesquels les auteurs bibliques mettent en parallèle l’herbe des champs et la condition humaine comme le prophète Esaïe, ou l’herbe des champs et l’action de Dieu et en particulier le Royaume de Dieu comme dans notre parabole de l’Évangile de Marc.

 

1er constat : l’herbe des champs témoigne de cette vitalité de la création de Dieu. Il y a profusion de vie, abondance de vie à travers la multiplicité des espèces animales et végétales . L’herbe des champs témoigne de la biodiversité qui semble si menacée aujourd’hui à travers le réchauffement climatique et la pollution environnementale.

« La terre produisit de la verdure , de l’herbe portant de la semence selon son espèce…. et Dieu vit que cela est bon »récit de la Genèse . Une abondance de végétation qui donne nourriture au monde animale et aux humains. Au passage, un proverbe biblique  sur la nourriture plein de sagesse à ne pas manquer ! : » Mieux vaut de l’herbe pour nourriture , là où règne l’amour qu’un bœuf engraissé si la haine est là ».

Bien sûr la terre promise , après la libération de l’esclavage de l’Égypte et la longue traversée  du désert est présentée comme un lieu où il y a abondance d’herbe des champs pour le bétail et où le peuple de l’alliance pourra ainsi manger et se rassasier. Au contraire, le prophète Jérémie décrit la désolation d’un pays comme une terre, où dit il les yeux des ânes sauvages languissent parce qu’il n’ y a pas d’herbe.

 

 

Faut il rappeler ici que les terres bibliques de Judée et de Galilée sont des terres rocailleuses, pierreuses menacées toujours de sécheresse et où la végétation peine à pousser ?

Pour les Hébreux que la verdure apparaisse malgré la rugosité du terrain tient du miracle , du miracle de la vie , de la générosité de cette création de Dieu.

Cette impression, nous mêmes pouvons la ressentir après l’hiver , en particulier après un hiver gris , pluvieux, maussade comme celui que nous avons eu , au moment du printemps,où ce regain de vie éclate de tout côté par le vert cru et intense de la végétation qui renaît.

 

 Une force de vie que les auteurs bibliques perçoivent comme la marque de Dieu. D’où ces nombreux passages qui associent la bénédiction de Dieu, ses promesses d’espérance et de salut avec l’image d’une verdure qui reprend vie. Il en est ainsi du prophète Joël qui s’écrie : « Les plaines du désert reverdissent , les arbres porteront leurs fruits. Figuiers et vignes donneront leur richesse et vous enfants de Sion, soyez dans l’allégresse. Il vous donnera la pluie en son temps et vous enverra la pluie de la première et de l’arrière saison. » Il est vrai que pour ceux qui ont vu ou connu le désert et c’est mon cas ; il est assez extraordinaire , j’ose dire quasi miraculeux, de voir un désert sec, caillouteux ou sableux, par le retour de la pluie devenir verdoyant et même fleuri . Une image de salut , d’espérance , de passage de la mort à la vie  qui marque les Hébreux, peuple du désert.

 

 

C’est ainsi que les prophètes pour signifier l’action d’un Dieu Sauveur, d’un Dieu Libérateur qui fera revenir son peuple, de l’exil et de la destruction à Jérusalem reprendront ces images de l’herbe des champs comme exemple de vigueur, de force de vie. Esaïe s’exprime ainsi ; »Comme un homme que sa mère console ainsi je vous consolerai , vous serez consolés dans Jérusalem. Vous le verrez et votre cœur sera dans la joie et vos os reprendront de la vigueur comme l’herbe. L’Éternel manifestera sa puissance envers des serviteurs » Et ailleurs encore pour évoquer ce redressement que   Dieu suscite, il est écrit » les hommes fleuriront dans les villes comme l’herbe de la terre »

L’herbe, image de la vie qui toujours reprend le dessus, qui rejaillit même après l’échec , même après le désert .

Cette image, cette métaphore sera reprise dans notre parabole de Marc sur le Royaume. Elle illustre l’action de Dieu, l’œuvre de Dieu par sa Parole et son amour, sa grâce agissante alors même que l’homme dort ou veille.

 

Si l’herbe des champs renvoie à l’action de Dieu et devient image de la vie  de Dieu qui prend le dessus,image de la vigueur que l’être humain peut connaître dans la foi et par le souffle de l’Esprit,cette herbe des champs est symbole aussi de la fragilité, de la vulnérabilité de l’existence humaine, voire même de la mort.

Dans le livre des Psaumes , il est question du manque de solidité de vie de ceux qui ne suivent pas les commandements de Dieu. Ils sont, est il écrit, fauchés aussi vite que l’herbe et ils se flétrissent comme le gazon vert. Ils sont même comme l’herbe du toit qui sèche vite, est il dit dans un autre Psaume.
De même, l’Épître de Jacques évoque la vanité de ceux qui sont riches et l’inconsistance et la vacuité de leur richesses. Ils sont appelés à plus d’humilité et moins d’orgueil. « Que le riche au contraire se glorifie de son humiliation car il passera comme la fleur de l’herbe. Le soleil s’est levé avec sa chaleur ardente. Il a desséché l’herbe ; Sa fleur est tombée et la beauté de son aspect a disparu ». Mais l’image et la métaphore de l’herbe et de la fleur qui sèchent, ne concernent pas seulement les oublieux de Dieu désignés dans le 1er testament ou les riches.

 

 Elle est utilisée pour décrire la condition humaine, de tout être humain à savoir qu’il est traversé par la finitude et la fragilité , marqué par la mort.

Au psaume 103 par exemple « l’homme, ses jours sont comme l’herbe. Il fleurit comme la fleur des champs. Lorsque le vent passe sur elle , elle n’est plus et le lieu qu’elle occupait ne la reconnaît plus » Le prophète Esaïe dans notre passage lu tout à l’heure, reprend cette similitude entre l’herbe qui sèche et ne fait que passer et l’être humain, lui aussi de passage ,lui aussi mortel. Ce même prophète dira ailleurs que « le fils de l’homme , l’humain est pareil à l’herbe »

Ce côté passager, fragile, commun à l’herbe des champs et à l’être humain est mis en perspective avec l’éternité, la solidité de la Parole de Dieu, de Dieu lui même.

« Tout chair est comme l’herbe et tout son éclat comme la fleur des champs. L’herbe sèche. La fleur tombe quand le vent de l’Éternel souffle dessus. Certainement le peuple est comme l’herbe. L’herbe sèche , la fleur tombe mais la Parole de notre Dieu demeure éternellement » . Esaïe comme de nombreux auteurs bibliques, par cette image de l’herbe des champs, en appelle à plus d’humilité, à un regard lucide et réaliste sur notre condition marquée par le temps et le défilé des jours .

Une fragilité de la vie, à accepter qui conduit au rejet de l’orgueil et de l’arrogance et qui permet d’en mesurer avec plus de conscience, la valeur, le prix, la délicatesse.

Une herbe des champs traversée comme l’être humain par la vigueur et la vitalité de la vie mais soumise comme lui au défilé des jours, à la marque  du temps et de la finitude. Une réflexion menée par les auteurs bibliques, qui se poursuit par une invitation à construire son existence sur du solide, sur du fidèle, sur du fiable, que nous font connaître la Parole de Dieu et la venue de Jésus Christ. D’ailleurs le psalmiste qui compare l’être humain à l’herbe des champs poursuit par cette invocation adressée à Dieu : »Enseigne nous à bien compter nos jours afin que nous appliquions notre cœur à la sagesse »

Bien piètre perspective, me direz vous, être comparé à brin d’herbe ! , pas plus ! Pas moins !

Mais n’oublions pas que cette herbe portera du fruit et produira des fleurs.

Fruits et fleurs  qui contribueront à apporter saveur et beauté à l’existence pour soi même et pour les autres.

N’est ce pas Jésus lui même qui compare l’être humain à un lys des champs, la plus belle des fleurs et dont il prend soin ?

Ainsi,chers amis regarder au sol et considérer l’herbe des champs, c’est voir le ciel déjà présent parmi nous par les fleurs et les fruits que Dieu nous donne de porter.

Pasteur Denis Heller