le jugement de Dieu

Culte du 9 décembre 2018 à Bois-Colombes 2e dimanche de l’Avent 

Lecture biblique  Luc 3 / 1 – 22 

Prédication : 

« Vipères, qui vous a montré comment fuir la colère à venir ? … déjà la hache est prête à attaquer les arbres à la racine : tout arbre donc qui ne produit pas de beau fruit est coupé et jeté au feu ».

Ça va barder, les amis, ça va barder ! … Et je vous préviens, vous n’allez pas rigoler longtemps. … Non, je ne suis pas en train de vous faire le résumé de ce qui s’est passé dans Paris hier et les autres samedis passés…

 

Il s’agit là des paroles de Jean le Baptiste, des paroles de la Bible, donc, et en particulier celles des prophètes qui annonçaient déjà dans le Premier Testament le jugement de Dieu.

Jean reprend tout ce qui a été dit avant lui pour prévenir les gens : Dieu va déchirer le ciel, il va descendre et il va vraiment se fâcher. Il va tout dévaster sur son passage. Tenez, quelques jolis extraits de paroles de prophète d’avant Jean :

« Si seulement tu déchirais le ciel, si tu descendais, les montagnes crouleraient devant toi ; comme s’allume un feu de forge, comme s’évapore l’eau qui bouillonne ; tes ennemis connaîtraient ton nom, et les nations trembleraient devant toi », (dans Esaïe63,19).

 

La colère gronde dans le petit peuple, le peuple des petits, qui se sent délaissé, oublié, méprisé par les gouvernants et les riches : « Écoutez cette parole, vaches du Bashân, vous qui êtes dans la montagne de Samarie, vous qui opprimez les petites gens, qui écrasez les pauvres et qui dites à vos maris : Apportez, et buvons!

Le Seigneur DIEU l’a juré par sa sainteté : les jours viennent sur vous où on vous enlèvera, vous, avec des crochets, et votre progéniture avec des harpons » (Amos4,1-2)[1].

Bon, je vous donne juste un petit échantillon…. mais qui résonne, étonnamment et presque littéralement, comme l’appel de certains manifestants radicalisés… ces samedis de l’Avent, à Paris et dans d’autres grandes villes de France. …

 

Paroles de colère, de jugement du Dieu de la Bible, relayées par ses prophètes, ses portes paroles:

« Le SEIGNEUR entre en jugement avec les anciens de son peuple et avec ses chefs: Vous avez dévoré la vigne! Ce sont les biens dont vous avez dépouillé le pauvre qui remplissent vos maisons! Pourquoi donc, écrasez-vous mon peuple, et pourquoi broyez-vous la face des pauvres? » (Esaïe3,13-15).

 

Marie, est issue, elle aussi, de ce « petit » peuple, de ce peuple des « petits gens », pauvres, ignorés, méprisés, écrasés sous le joug d’un système de gouvernance qui creuse le fossé des inégalités entre riches qui s’enrichissent d’avantage et des pauvres qui s’appauvrissent d’avantage aussi!…

Et lorsqu’elle fait l’expérience d’une mystérieuse rencontre avec l’ange, avec un messager de Dieu qui lui annonce la naissance du Sauveur en son sein, elle reprend dans un magnifique chant les paroles des prophètes de l’intervention du Dieu libérateur pour son peuple:

« Je magnifie le Seigneur, je suis transportée d’allégresse en Dieu, mon Sauveur, parce qu’il a porté son regard sur son humble servante. … Il est intervenu de toute la force de son bras; … il a fait descendre les puissants de leurs trônes, élevé les humbles, rassasié de bien les affamés, renvoyé les riches les mains vides… » (voir Luc1,46-55).

 

Mais revenons aux paroles de jugement annoncé par le dernier des prophètes – avant Jésus, Jean-Baptiste.

Paroles qui annoncent l’avènement d’un envoyé de Dieu, d’un Messie qui mettra, selon Jean, à exécution le jugement de Dieu – contre ceux qui ne changent pas d’attitude, qui ne produisent pas les fruits de la repentance: « Lui vous baptisera dans l’Esprit saint et le feu. 17 Il a sa fourche à la main, il va nettoyer son aire ; il recueillera le blé dans sa grange, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint pas. » (Luc3,16-17) … et tant pis si ça casse, tant pis si la violence éclate… Vous l’aurez cherché ! Vous l’avez provoqué vous-mêmes, semble-t-il vouloir dire…

 

Mais alors, comment pouvons-nous percevoir quelque chose de la Parole de Dieu dans ces textes qui sentent le roussi ?

C’est vrai, la Bible est pleine de violence, depuis le premier meurtre, Abel tué par son frère, jusqu’au livre de l’Apocalypse, ça n’arrête pas. Tout simplement parce que la Bible a été rédigée par des mains humaines, d’hommes vivant pleinement au milieu de leurs semblables et que Dieu s’adresse à ces hommes-là, dans tout ce qu’ils vivent. Le chapitre 3 de l’Évangile de Luc nous en donne une très jolie illustration.

Paroles humaines : Jean-Baptiste promet le feu. Il l’expérimente d’ailleurs tout de suite, puisque le tyran de l’époque se conduit comme tous les tyrans et le fait mettre en prison pour un mot de trop. Humainement banal. Dieu n’a pas grand-chose à voir là-dedans.

Et lorsque les violences éclatent, provoquées par l’appel à la résistance armée des chefs charismatiques qui s’autoproclament « Messie », elles ne sont pas l’œuvre de Dieu!

 

ET pourtant: le Dieu du jugement et de la colère contre les riches et les puissants, dont Jean se fait le porte-parole, ce Dieu n’a pas grand chose en commun avec le Dieu de l’enfant Jésus dans la crèche. …

Et pour cause! Lui, au lieu d’exercer de la violence sur les autres la subit lui-même – dès sa naissance et jusqu’à sa mort violente sur la croix!

Jean le Baptiseur, comme ses collègues prophètes du Premier Testament, promet le feu du jugement juste de Dieu contre l’abus de pouvoir des riches, et qu’arrive-t-il ?

Un homme du nom de Jésus, un parmi les foules venues se faire baptiser dans le Jourdain.

Pendant qu’il prie, le ciel s’ouvre. Je retiens mon souffle. Dieu va-t-il descendre et faire crouler les montagnes, selon la promesse d’Esaïe ? Non, rien de tout cela… C’est l’Esprit saint qui descend de manière bien inoffensive… une colombe.

 

La voyez-vous voler cette colombe ?

Depuis Noé, elle attendait le moment de faire une nouvelle apparition !

Elle avait été le signe de la vie qui renaît, la fin de la colère de Dieu, l’inauguration d’un nouveau temps.

Est-ce que cela signifie qu’un « nouveau temps » s’ouvre ?

Sans doute. D’autant qu’autre chose survient : une voix, du ciel. Va-t-elle confirmer les insultes de Jean-Baptiste, va-t-elle crier vipère, hache, feu ? Non, rien de tout cela : « Tu es mon fils bien-aimé. C’est en toi que j’ai pris plaisir. » (Luc3,22).

 

Bin alors, Jean-Baptiste ? Tu t’es trompé ? …

Ce que tu croyais parole de Dieu était affabulations humaines !

Quand tu cries jugement, Dieu répond amour.

Quand tu annonces les flammes, Dieu répond colombe.

Mais là où tu avais raison, c’est que celui qui te suit est bien plus grand que toi. Car lui, il a saisi la parole de Dieu dans le doux murmure de l’Esprit. Il a été visité par Dieu et cette visite lui a donné une paix sans égale, paix qui lui permettra de tout abandonner, même sa vie, par amour pour son père.

Vous pensez peut-être : très bien, JB s’est trompé (pardon, Jean-Baptiste), on respire, les fumées s’éloignent, parfait.

Mais nous, qu’est-ce que ça nous fait, à nous ?

Ce qui concerne Jésus, tant mieux pour lui. Mais nous, est-ce que cela nous concerne ?

 

En fait, les paroles violentes des prophètes ont raison : il faut dénoncer la violence, la violence économique, la violence sociale, la violence tout court.

Dieu n’est pas du côté de ceux qui oppriment.

Mais Jésus propose une voie nouvelle, une issue à la violence, celle de la non-violence, celle de ne pas répondre au mal par le mal, à la violence par la violence. …

La voie qui commence par la reconnaissance de notre fragilité, de notre vulnérabilité … dans l’enfant fragile et vulnérable de la crèche – et dans l’homme de Nazareth, crucifié sur la colline de Golgotha !

La voie qui reconnaît ensuite la fragilité de l’autre, et pas seulement de celui qui est de mon côté, mais aussi de l’adversaire, de celui que je considère comme mon ennemi…

La voie qui « ne cherche pas son propre intérêt », qui ne cherche pas à avoir raison à tout prix. La voie « qui n’entretient pas de rancune, qui ne ne se réjouit pas de l’injustice, mais qui trouve sa joie dans la vérité » … qui est toujours multiple et complexe – à l’image de notre humanité!

La voie qui « excuse tout, qui croit tout, qui espère tout, qui endure tout »… (selon 1 Corinthiens 13).

En un mot : la voie de l’amour fraternel qui est charité, bienveillance,  pardon et que l’apôtre Paul décrit dans un de ses plus beaux poèmes.

L’amour qui est le plus fort et gardera le dernier mot sur nos vies de tout un chacun et de nous tous ensemble!

Amen !

Pasteur Andréas Seyboldt