La vocation de Samuel : écouter pour transmettre (13 septembre 2015)

Texte biblique : I Samuel 3, 1-10

Samuel.Heli

Nous sommes en 1050 environ avant Jésus-Christ, à Silo, à une trentaine de kms de Jérusalem.
Cela fait à peu près 150 ans que, peu à peu, les 12 tribus d’Israël ont conquis une partie du pays de Canaan.
Pour l’heure, ces 12 tribus n’ont pas de roi. Elles sont dirigées par des Juges, des chefs politiques et religieux. Ces juges sont appelés au secours lorsque la situation est très mauvaise et contestés dès qu’elle s’améliore.

Il y a aussi des prêtres, chargés des rites religieux, autour des différents sanctuaires. Le plus important de ces sanctuaires est celui de Silo car il abrite l’arche d’alliance.
Eli est le prêtre de ce sanctuaire, Eli, dont le nom signifie, « mon Dieu ».

A côté des prêtres et parfois en opposition à leur pouvoir, se tiennent les prophètes.
Ce sont des porte-paroles de Dieu qui transmettent une parole que l’Eternel leur a confiée.
A l’époque d’Elie, les prophètes exercent en groupe. Ils entrent en transe, au moyen de la danse et parfois de l’alcool.

L’un d’entre eux va devenir l’un des plus grands prophètes d’Israël.
Pour l’heure, ce n’est encore qu’un enfant.
Il a été confié au prêtre Elie par sa mère, Anne.
Anne espérait tellement avoir un bébé qu’elle s’était engagée, si elle tombait enceinte, à l’offrir au service de Dieu.

«Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute».
C’est ce que Samuel devra répondre lorsque Dieu l’appellera, s’il l’appelle un jour.
C’est l’enseignement donné par Eli. Et cet enseignement nous concerne tous, à tout instant, parce que c’est une leçon de prière.

L’enjeu de notre vie, ce n’est pas le don de Dieu, puisqu’il est donné, c’est la façon avec laquelle nous y répondons.
Lors du baptême, nous affirmons que Dieu s’approche de nous sans condition, nous aime, nous appelle par notre nom, nous adopte comme ses enfants.
Le baptême des bébés célèbre cet amour premier de Dieu.

Par contre, lors de la confirmation, il est demandé aux jeunes de répondre s’ils veulent ou pas répondre à cet appel de Dieu. Et cette décision n’est pas prise une fois pour toutes; elle se confirme ou s’infirme, régulièrement, au cours de leur vie.

Bien entendu, leur réponse ne modifie pas le regard que Dieu pose sur eux.
Par contre, elle modifie leur existence.
L’engagement de la foi n’agit pas sur Dieu mais sur nous.

Alors comment répondre à Dieu ?
Ici, dans notre récit, Éli explique à Samuel que le meilleur moyen de répondre à Dieu est de se déclarer son serviteur et de lui demander de nous parler.

La phrase peut paraître banalement pieuse.
Pourtant, elle contrecarre nos ressorts intérieurs les plus profonds.
Elle s’oppose même à nos idées religieuses les plus ancrées.

Spontanément, nous ne sommes pas au service de Dieu; nous lui demandons d’être à notre service et de répondre à nos attentes et à nos désirs, de combler nos besoins comme une maman le fait avec son bébé : « Dieu, donne-moi la réussite, donne-moi la santé, donne-moi un travail ».
Tout au long de l’Ancien Testament, le peuple d’Israël va passer peu à peu de cette foi infantile et idolâtre à une foi vivante.
Foi idolâtre car l’idolâtrie consiste à tordre le bras de la divinité pour obtenir ce qu’on désire : on fait des danses pour avoir de la pluie, des sacrifices pour avoir la victoire, des prières pour la fécondité du couple, des rites afin d’obtenir le salut.
Le fondement de l’idolâtrie consiste à mettre Dieu à son service.

On entre alors dans un système d’échanges, presque de chantage : j’exige de Dieu qu’il vienne à mon secours. Inversement, j’espère que Dieu agira si je lui donne de l’argent, si je vais à l’église, si je suis pieux, et si je le prie… de préférence beaucoup, selon des formules répétitives.

La merveilleuse évolution du peuple d’Israël dans l’Ancien Testament, est qu’elle inverse sa relation avec Dieu.
Abraham vivait tranquillement dans son pays, en faisant certainement des sacrifices idolâtres, il a tout quitté lorsque Dieu lui a demandé de partir, sans demander aucune assurance sur son avenir.
Abraham a compris que ce n’est pas à l’homme de demander des services à Dieu, mais à Dieu d’appler à son service.

Si on vous disait que Dieu allait entrer en contact avec vous, quelle est la demande que vous lui adresseriez ?
Éli vous l’indique: le mieux serait de dire : «Parle, Seigneur, ton serviteur écoute».
La vraie relation à Dieu, c’est que nous, nous le servions, et pour le bien servir, il faut l’écouter afin de découvrir sa volonté, ce qu’il attend de nous : « il y a du mal sur la terre, il y a des choses que moi, humain, je n’arrive pas à réaliser, alors je ne te demande pas de tout faire, mais avec ton aide, je vais comprendre ce que tu veux, et je vais le faire ».

Certes la difficulté est là: écouter Dieu et discerner quand il est présent.
D’ailleurs, dans un premier temps, Samuel ne comprend pas que Dieu lui parle.
Il est convaincu que c’est Eli qui l’appelle au milieu de la nuit.
Alors, Élie renvoie Samuel vers Dieu : « s’il t’appelle, dis-lui, parle, ton serviteur écoute ».

C’est peut-être cela le rôle de l’Église, notre rôle à tous.
Il ne s’agit pas de parler à la place de Dieu et de dire à quelqu’un : « Dieu t’appelle à agir de telle manière, à être chrétien dans cette voie, à faire tel métier ».
Notre rôle est d’éveiller son attention, de lui apprendre à être attentif à l’appel de Dieu.
« Ecoute la voix de Dieu ».

C’est dans cette écoute de Dieu que l’on peut trouver son chemin, sa vocation, la manière de le servir et qui nous est propre.
Et alors, trois promesses nous sont faites.

La première promesse est celle de la joie.
Celui qui croit que Dieu doit être à son service est condamné à être perpétuellement malheureux, frustré et déçu.
Car l’Eglise à laquelle il participe ne correspondra jamais à la totalité de ses besoins ou projections; car l’Etat ne résoudra jamais l’ensemble de ses problèmes; car le conjoint ne comblera jamais toutes ses attentes
Inversement, celui qui écoute Dieu, reçoit sa parole et s’efforce sincèrement de la mettre en pratique, avec ce qu’il est, y compris ses limites, celui-là éprouve une joie profonde : « Vous serez heureux si vous savez cela, pourvu que vous le mettiez en pratique » dit Jésus à ses disciples.
Prendre tout ce qui nous est donné, non comme un dû mais comme une grâce à partager, c’est le secret de la vie heureuse, non seulement dans nos relations aux autres, mais aussi vis-à-vis de l’Église, vis-à-vis de Dieu.

2ème fruit : la liberté.
Jusqu’à présent, Samuel a été passif.
C’est sa mère qui l’a consacré à Dieu et l’a confié à Eli.
C’est Eli qui l’a enseigné.
Maintenant, s’il choisit d’écouter Dieu et de le suivre, il devient acteur de sa vie.
De même, c’est en marchant à la suite du Christ que nous sommes libérés du poids des attentes et des projections de la société et de nos proches, de ce que nous devons accomplir ou réparer.

3ème et dernier fruit : écouter pour mettre en pratique et transmettre
Jusqu’à sa mort, Samuel s’efforcera de suivre la volonté de Dieu.
Il choisira un roi alors qu’il ne le souhaitait pas; il nommera David alors que son intuition le portait vers plusieurs de ses frères.
Samuel s’efforce donc de vivre ce qu’il croit mais il est davantage : il est prophète, un porte-parole.
Samuel transmettra donc ce qu’il a reçu de Dieu.
Nous sommes appelés à faire de même. Ne gardons pas égoïstement la foi comme un trésor intime et caché mais partageons-le avec nos proches.

« Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute »
Amen !