La famille !

Culte au Centre 72

Dimanche 24 janvier 2021

Lectures bibliques : Marc 3, 21.31 à 35

Prédication :

La famille !

Lieu de vie qui nous permet de faire les premiers pas dans la vie. Lieu où se transmettent les valeurs, les traditions, les héritages. Lieu où nous apprenons à parler… notre langue maternelle, à exister grâce à la parole, celle d’abord qui nous donne un nom, qui nous appelle à la vie, celle, ensuite, qui nous permet d’entrer en relations avec nos proches et nos prochains…

La famille, cependant, c’est aussi le premier lieu des querelles, des conflits, des contraintes, des violences, comme cela nous a été douloureusement rappelé dans l’actualité sociétale de ces derniers jours…

Et comme nous toutes et tous, Jésus aussi est né, a grandi au sein d’une famille… nous en avons parlé, comme tous les ans, à Noël : Jésus qui né, qui vient au monde au sein d’une famille, d’un couple, Marie et Joseph. Jésus, l’enfant de la crèche, dans l’étable de Bethléem, entouré de ses parents, des animaux de la ferme et des bergers et des mages… image d’une famille aimante et largement idéalisée comme Sainte Famille dans les traditions populaires de nos Églises, mais qui se trouve dans ce passage de l’Évangile de Marc brusquement mise en question : « …les gens de sa parenté vinrent pour s’emparer de lui. Car ils disaient : ‘Il a perdu la tête » (Marc 3,21).

Le récit précise qu’ils ne rentrent pas à la maison où Jésus parle à la foule. Ils restent dehors et le font appeler. Contrairement, aux disciples et autres gens rassemblés autour de Jésus, les gens de la famille de Jésus ne semblent pas s’intéresser à ses paroles, auxquelles, visiblement, ils ne comprennent pas grand-chose. Pire ils le prennent pour un fou ! On est loin de la Sainte Famille idyllique de Noël, loin aussi de l’image d’une famille idéale où les enfants grandissent et s’épanouissent grâce à des parents aimants et bienveillants ! …

L’Évangile de Marc reflète ici une situation historique dans la première Église où, là non plus, les relations n’étaient pas si idylliques et exemplaires que nous l’imaginons peut-être parfois, mais où, au contraire, des conflits et des querelles étaient bien présents. Notamment, autour de la question du leadership : les frères de Jésus revendiquaient de diriger l’Église au nom du lien de sang qui les unissaient à lui.

Marc, en citant une parole de Jésus, y oppose une fin de non-recevoir : « Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère » (Marc 3,35). Voilà ce qui, selon cette parole citée par Marc, constitue la véritable fraternité dans l’Église : non pas les liens du sang et d’appartenance à une famille dans laquelle on est né, mais le « faire » de la volonté de Dieu… Mais quel est ce « faire » – et quelle est la volonté de Dieu ?

On pourrait, bien-sûr, citer ici les multiples paroles bibliques, tant dans l’AT que dans le NT, où Dieu, puis Jésus, expriment leur volonté, à commencer par les Dix Commandements – et en terminant avec le « double commandement de l’amour » que Jésus.

La volonté de Dieu y est clairement exprimée et souligne l’importance d’un comportement, d’une attitude morale et éthique exemplaire ! Jésus lui-même, dans son discours d’adieu à ses disciples, selon l’Évangile de Jean, en fait le lien par excellence qui lie les disciples les uns aux autres : « À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jean 13,35). Cela n’est certainement pas faux et doit régulièrement être rappelé, au sein de nos Églises et paroisses – mais encore entre elles, comme nous voulons l’affirmer et l’exprimer à l’occasion de nos rencontres œcuméniques, comme cet après-midi avec notre prière commune dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens !

Cependant, je ne suis pas certain que c’est ce que Marc a voulu exprimer dans son récit. Le « faire la volonté de Dieu » dont Jésus parle ici, doit être compris, d’abord, dans son contexte le plus proche. Ce que la foule, rassemblée autour de lui y fait concrètement n’en est pas vraiment un ; il n’y est même pas question d’amour ! La seule chose qu’ils font réellement est d’écouter Jésus qui, depuis le commencement de l’Évangile parle et enseigne aux foules. C’est là son activité principale, celle pour laquelle il dit être « sorti » dans les « bourgs voisins » de la Galilée : « …pour que j’y proclame … l’Évangile » (Marc 1,38). La suite de l’Évangile le rappelle régulièrement – et parfois très explicitement : « Et il leur annonçait la Parole » (Marc 2,2).

Cela n’a, par ailleurs, rien de spécifiquement chrétien : Jésus n’est pas le premier à mettre l’importance de l’écoute de la Parole de Dieu au centre de l’existence du croyant. Ainsi, dans les textes des Dix Commandements – et du résumé de la Loi, de la Volonté de Dieu dans l’AT – le premier commandement, la première exigence est celle de l’écoute : « Écoute Israël, les lois et les coutumes que je te fais entendre aujourd’hui à vos oreilles » (Dtn.5,1). « Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN » (Dtn.6,4).

L’importance centrale de la « Parole de Dieu » – qui, soit dit en passant, n’est pas identique à la « parole biblique » ! – est particulièrement soulignée dans le premier récit de création où Dieu crée par sa (seule) Parole (« dabar elohim »). Le récit (ou plutôt ce poème) de la création affirme le préalable indispensable de la Parole de Dieu avant toute création ! « Tout est venu à l’existence par elle et rien n’est venu à l’existence sans elle » l’affirme aussi Jean dans le prologue de son Évangile (Jean 1,3).

Pourquoi insister tellement sur l’importance primordiale de la Parole ?

Elle se laisse décliner dans (au moins) trois volets distincts :

1) La parole nous permet d’exister comme personne, comme individu

2) La parole nous permet d’entrer en dialogue, en relation avec un.e autre et les autres

3) La Parole nous appelle à la vie

1) La parole nous permet d’exister comme personne, comme individu

La parole nous singularise et fait de nous une personne, un individu distingué des autres. C’est au moment où le bébé commence à prononcer ses premiers mots, il a une existence propre, une parole propre, la sienne, qui n’est pas identique à celle de ses frères et sœurs, ni de ses parents. C’est par la parole qu’il peut affirmer sa singularité, ses besoins et ses désirs qui font de lui quelqu’un d’unique.

2) La parole nous permet d’entrer en dialogue, en relation avec un.e autre et les autres

C’est par la parole encore qu’il peut entrer en dialogue, en relation avec un.e autre et les autres. C’est par la parole qu’il peut exprimer ce qu’il pense et ressent. C’est par la parole qu’il peut entendre et comprendre l’autre et les autres. C’est par la parole qu’il peut aussi prendre de la distance par rapport à son ressenti, comprendre ce qui lui arrive. Exprimer ce qu’il ressent – et par là même résoudre des conflits qui l’opposent aux autres. Mettre des « mots sur les maux » peut même permettre de faire reculer le mal et de le surmonter, finalement. … Dans l’actualité de ces dernières semaines autour de l’inceste, nous avons entendu parler de l’importance de la parole pour combattre l’omerta du silence qui est toujours complice des crimes et des violences subies ! Ce qui est, bien-sûr, vrai pour les victimes de toutes les violences et crimes !

3) La Parole nous appelle à la vie

La parole la plus importance dans notre existence est celle qui nous appelle à la vie : la parole d’adoption qui nous accueille à notre naissance et nous donne un nom. ET qui, par là même, nous fait exister comme personne unique…

Cette parole créatrice de notre vie nous est rappelée au moment de notre baptême –  dans la suite du baptême de Jésus : « Tu es ma fille/mon fils bien-aimé·e. Il m’a plus de te choisir »…

Il n’y a rien de plus important à « faire » dans notre vie que toujours se mettre à l’écoute de cette Parole qui, à la fois, nous permet d’exister et d’avancer dans notre vie et nous rend capables, à notre tour, d’en être témoin et porteur pour notre prochain. …

Cette Parole, en même temps, fait de notre prochain – quel qu’il soit et d’où qu’il vienne – et quelle que soit sa « famille », sa culture, sa langue d’origine – une sœur, un frère bien-aimé.

Une fraternité sans frontière et sans limites !

Amen

Pasteur Andreas Seyboldt