Jean-Baptiste et le baptême de Jésus

Prédication du 7 octobre 2012

Texte biblique : Matthieu 3

Je faisais du vélo avec ma femme, nos deux filles, Sarah et Myriam – alors petites – assises sur les sièges enfants, à l’arrière.

Nous étions sur la route du retour, à une vingtaine de kilomètres de notre maison de famille, au milieu des marais salins de la Charente Maritime.

Plus j’avançais et plus l’effort à faire pour pédaler devenait démesuré.

En fait, l’un de mes pneus était poreux et se dégonflait insensiblement.

Etant malencontreusement parti sans pompe à vélo, je n’avais d’autre choix que de continuer. Comme vous l’imaginez, notre promenade champêtre s’est transformée en épreuve de force.

Notre vie ressemble parfois à cette mésaventure.

Au début, la vie nous paraît facile, nous avançons sans grande difficulté.

Mais, peu à peu, les efforts deviennent excessifs ; comme si, au-delà de la fatigue physique, il y en avait une autre, plus profonde ; comme si, au-delà de l’énergie que nous dépensons normalement, une bonne part était gaspillée.

Cette fatigue touche tous les domaines de notre vie, y compris notre spiritualité. Là aussi, nous ressentons parfois un engourdissement progressif, une fatigue : fatigue pour prier, fatigue pour lire la Bible, fatigue pour mettre en pratique l’Evangile.

Nous manquons à ce point de souffle parce que nous ne savons pas bien qui nous sommes aux yeux de Dieu.

Nous savons de moins en moins ce que Dieu attend de nous, nous mesurons le fossé entre ce que nous vivons et ce qui est essentiel à nos yeux.

Ce constat suscite du découragement ou de la culpabilité… qui ne font que nous essouffler davantage encore.

 

Alors comment en sortir ?

Comment savoir ce que nous sommes appelés à vivre ?

 

Suivons Jésus, au moment où il reçoit son identité, au moment de son baptême.

Lorsqu’il se dirige vers le Jourdain, Jésus a environ 30 ans.

Avec d’autres, il vient demander à Jean le baptême de repentance.

Par là, il s’engage à changer de vie et à obéir à Dieu.

Lorsqu’il est dans l’eau, il entend l’Esprit de Dieu proclamer : « Tu es mon fils bien aimé, celui qu’il m’a plu de choisir ».

Cette parole marque un tournant dans sa vie.

Désormais, Jésus va guérir, rencontrer, appeler des disciples, pardonner, annoncer le royaume de Dieu, dire la volonté de Dieu et la vivre jusqu’au bout.

Désormais, Jésus peut vivre son ministère car il sait qui il est ; il sait qu’il est le « fils bien aimé » de Dieu.

Ne nous y trompons pas ; ce titre n’a rien de mythologique.

Jésus n’est pas « fils de Dieu » parce qu’il serait un personnage hybride, mi-homme, mi-dieu, tel un héros grec.

Conformément à l’Ancien Testament, Jésus est le «Fils de Dieu» parce que Dieu fait de lui un «roi», à qui il remet sa puissance; un roi chargé de conduire son peuple ; un roi un peu particulier puisque sa vocation sera de servir, jusqu’à la mort.

C’est pour nous le faire comprendre que Matthieu entremêle une citaiton du Psaume 2, destinée au roi d’Israël et un passage du livre d’Esaîe, qui évoque le Serviteur que Dieu enverra.

A ce sens, Jésus va en ajouter un autre : il est fils de Dieu, parce qu’il le considère comme son père, parce qu’il l’aime et se sait aimé de lui, parce qu’il lui parle et se laisse enseigner par lui, parce qu’il lui fait une totale confiance.

 

Ainsi, à l’occasion de son baptême, Jésus a reçu son identité.

Par la suite, et jusqu’à la croix, il ne fera que vivre ce qu’il est, le fils bien aimé de Dieu.

 

Chers amis, à nous aussi, Dieu donne une identité.

Nous nous prenons parfois pour des dieux, tout puissants, capables de tout contrôler, de tout réussir et dont les moindres caprices devraient être exaucés.

A d’autres moments, nous nous considérons comme des êtres insignifiants, incapables de réussir leur existence.

Alors, écoutons Dieu nous dire : «Je suis ton Père et tu es mon enfant ».

C’est ce qu’il dit à Maxence.

C’est ce qu’il dit à chacun de nous.

Nous sommes les enfants de Dieu. Rien de plus. Rien de moins.

 

Très concrètement, cela signifie qu’aucun d’entre nous n’est parfait.

Nous sommes enfants de Dieu, pas Dieu.

Nous pouvons donc cesser cette course au perfectionnisme, cesser de vouloir être des parents admirables, des individus moralement irréprochables ou des jeunes loups toujours plus performants.

Comme tout enfant, nous avons le droit de nous tromper et de recommencer, d’apprendre et de grandir, de nous révolter et de revenir vers notre Père.

Deuxième conséquence : nous sommes aimés comme nous sommes.

En tant que parents, vous voulez aider Maxence à grandir, physiquement, psychiquement, intellectuellement, moralement.

Nous avons tous tellement de rêves et d’ambitions pour nos enfants.

Heureusement, nous n’attendons pas qu’ils les réalisent pour les aimer.

Nous les aimons sans condition. Et c’est justement cet amour inconditionnel qui leur permet de s’épanouir.

Il en est de même pour Dieu.

Dieu espère en nous mais il n’attend pas la concrétisation de ses espérances pour nous aimer.

Dernière conséquence : si nous sommes tous enfants du Père, cela signifie que nous sommes frères et sœurs.

Je le sais bien : cette terminologie paraît un peu naïve ou vieillotte.

Pourtant, elle nous dit que nous sommes appelés à la fraternité, dans l’Eglise comme en dehors. Elle nous dit que nous sommes responsables les uns des autres : « Qu’as-tu fait de ton frère ?» est l’une des grandes interpellations de la Bible.

Vous le voyez : nous recevons de Dieu notre identité. Et cette identité conditionne notre vie : désormais, nous pouvons renoncer à la toute puissance, accepter l’amour de Dieu, écouter sa Parole, nous préoccuper de nos frères et sœurs.

Seulement, il y a un petit problème.

Tout ce que je viens de dire, nous l’avons déjà entendu.

Nous savons tous que nous sommes enfants de Dieu.

Et pourtant, rien n’a changé dans notre vie … ou si peu.

Nous n’arrivons pas à vivre ce que nous sommes.

Alors, comment faire ?

Là encore, revenons à Jésus.

Jésus connaissait l’Ecriture, il aimait Dieu. Mais il a eu besoin que l’Esprit vienne à lui, au moment de son baptême pour lui dire, au plus profond de sa personne, qu’il était le fils aimé de Dieu.

Et si, par la suite, Jésus s’est donné des temps de communion avec Dieu, c’est pour le laisser venir à lui et lui dire à nouveau : « Tu es mon fils bien aimé ».

Alors, à plus forte raison, nous avons besoin que Dieu nous confirme que nous sommes bien ses enfants.

Régulièrement, nous avons besoin qu’il nous dise à nouveau : « Tu n’es pas Dieu, tu n’es pas rien; tu es mon enfant ».

Pour recevoir cette Parole, il n’y a pas de recette miracle. Comme toute relation, celle avec Dieu nous échappe largement.

Il n’empêche : plus nous renonçons à contrôler notre vie et plus nous laissons Dieu venir à nous et nous dire qui nous sommes.

Je vais vous raconter une histoire.

Un enfant se débat au milieu d’un lac et menace de se noyer.

Sur le bord, sa mère, terrifiée, le regarde. Elle ne peut l’aider car elle ne sait pas nager.

A ses côtés se trouve un homme qui semble indifférent au sort de l’enfant. La mère le supplie d’intervenir mais il ne bouge pas.

Au bout d’un moment, les forces de l’enfant commencent à décliner … et il coule.

A ce moment, l’homme plonge dans le lac et ramène l’enfant sur le rivage, sain et sauf.

« Pourquoi n’avez-vous pas sauvé mon enfant plus tôt ? » demande la mère.

« Madame, je ne pouvais rien faire tant qu’il se débattait. Par contre, dès qu’il a cessé de s’agiter, alors j’ai pu le ramener sans difficulté ».

Pour entendre l’Esprit nous dire : « tu es enfant de Dieu », il nous faut cesser de se débattre et nous abandonner à lui.

Il est temps de conclure.

Parents, vous avez demandé le baptême de Maxence.

Vous croyez donc qu’il est fils de Dieu et que sa vocation sera d’en vivre.

Alors, dites-le lui !

Dites-lui qu’il est fils de roi et que ceux qu’il rencontrera sont ses frères et sœurs.

Dites-lui que Dieu l’aime comme il est, avec ce qu’il est.

Dites-lui qu’il a le droit d’essayer, de se tromper, de recommencer.

Dites-lui que c’est en s’abandonnant à Dieu qu’il deviendra forte.

Dites-le-lui !

Mais surtout, essayez vous-mêmes de le vivre.

Alors, votre vie sera pleine de souffle

Amen !