Ils étaient mages, observateurs d’étoiles

  • 3 janvier 2021 – Épiphanie
LECTURE : Matthieu 2, 1 – 23            
PRÉDICATION :

Nous sommes tentés de lire l’histoire de Noël comme un paisible conte de fée plein de douceur… pour pouvoir rêver d’un monde meilleur.

Mais il se trouve que l’histoire de Noël n’est pas un conte de fée enveloppé dans du coton. Preuve en est ce chapitre de l’évangile de Matthieu racontant la quête des Mages :

L’enfant Jésus y naît dans un monde dominé par la violence, la barbarie. Il se trouve être, dès sa naissance, l’enjeu de luttes de pouvoir d’un tyran qui n’hésite pas à sacrifier toute une génération d’enfants pour préserver son pouvoir.

L’attentat contre l’enfant Jésus a été déjoué. Le plan machiavélique d’Hérode pour éliminer un concurrent potentiel n’a pas fonctionné. Mais à sa place d’autres enfants sont assassinés. Une horreur sans nom, le mal par excellence.

À quoi donc peut servir un tel récit ?

Quelle consolation, quel encouragement, quelle espérance peuvent nous apporter la quête des mages et ses conséquences tragiques ?

Voyons plutôt…

(1er tableau de Lindegaard + texte : « Il suffit d’une étoile… », p.92)

Dans les contes qu’ils ont inspirés, ils vont partout, se perdent dans les contrées les plus lointaines, et même le cinéma les a égarés au XX° siècle, avec un certain talent.

Mais toujours, à la fin, c’est devant la faiblesse et la fragilité d’un enfant qu’on les retrouve agenouillés.

« Étaient-ils trois ? Étaient-ils rois ?

Ils étaient mages, observateurs d’étoiles. Les étoiles leur faisaient des signes et ils les comprenaient. … Il suffit d’une étoile pour découvrir un chemin ; celle qui marche dans le ciel les met en marche sur la terre. …

Qui est celui qui met une main sur ses yeux pour regarder au loin ? C’est l’espérance. L’espérance a de la peine à voir. Elle espère parce qu’elle ne voit pas.

Qui est celui qui lève la main comme pour dire : ‘J’ai trouvé, ? C’est la foi. La foi est la ferme assurance de celui qui trouve.

Quant au dernier qui met une main sur sa poitrine comme pour retenir son cœur… Il ne s’appelle ni Melchior, ni Gaspard, ni Balthazar. »

Car c’est bien l’humanité toute entière qui est invitée à formuler ses vœux au prisme de ce roi dépouillé et sans force, et à prendre son bâton de pèlerin, fixer un plan d’action, bref, se mettre en route pour chercher et trouver celui qui donne la plus grande joie….

(2e tableau de Lindegaard + texte : « Pour la mort et pour la joie » ; p.94)

Là, intervient le plan d’action du roi Hérode.

Son vœu le plus cher, à Hérode, c’est de rester roi et de ne pas se laisser prendre sa place.

Il n’aime rien plus que son pouvoir et tout ce qui pourrait l’amoindrir est dangereux.

Alors, premièrement, il met en œuvre son propre plan :

Il cherche au bon endroit, c’est-à-dire qu’il fait travailler ceux qui savent, les grands prêtres et les scribes. Ils connaissent les Écritures et savent bien ce qui a été annoncé par les prophètes. Le Messie doit naître à Bethléem. Hérode poursuit son plan.

Deuxièmement, pour continuer à régner : il faut diviser. Hérode parle en secret aux mages, sans que les scribes soient au courant.

Il donne des ordres : allez et revenez. Il a l’habitude d’être obéi. Il n’imagine pas que la désobéissance puisse venir gripper son plan.

Nous avons lu la suite du récit et le résultat de la colère terrible d’Hérode quand il comprend que les mages l’ont doublé. …

À quoi cela sert-il à Hérode qu’on lui dise que le Messie doit naître à Bethléem, quand cette bonne réponse n’entraîne pas, chez lui, une mise en route. Il ne se met pas en mouvement. Il fait encore travailler les autres. Et il est trahi, à notre grand soulagement.

La quête des mages les conduit à la joie, les consultations d’Hérode le conduisent à la colère et à la violence meurtrière.

Pourtant, tous ont découvert la même chose !!

Le Messie né à Bethléem. L’envoyé de Dieu qui annonce son Règne de Paix, de Justice et d’Amour pour tous les hommes.

Cependant, ce Règne n’est pas celui des puissants de ce monde : les Césars, les chefs de guerre, les dictateurs, les fanatiques.

Ce Règne vient dans le monde, mais il n’est pas du monde, comme dira Jésus à Pilate lors de son procès.

Ce Règne devient « chair », s’enracine dans la vie des hommes, mais IL ne s’impose pas, ni par la contrainte, ni par la violence, ni par la peur. Car c’est le Règne de la non-violence… comme Jésus l’annonce à ses disciples et à la foule quelques chapitres plus loin de ce même évangile de Matthieu : « Heureux les doux : ils auront la terre en partage. … Heureux ceux qui font œuvre de paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Matth5/4-9).

Le message qu’IL nous demande d’annoncer n’est pas une quelconque doctrine religieuse, mais l’Évangile, la Bonne Nouvelle d’un Amour inconditionnel et radical qui n’exclut personne, même pas nos ennemis, ceux qui nous menacent, qui nous persécutent, qui nous font peur, qui nous méprisent…

De tout cela, Hérode était bien loin. De tout cela les fanatiques et les tyrans, hélas, présents dans toutes les religions, tous les peuples, tous les pays et toutes les époques de l’histoire humaine, sont bien loin !

Et le récit de Noël ne le tait pas. Les victimes de la folie meurtrière des tyrans sont bien réelles.

Mais, en même temps, secrètement, mais efficacement, le plan de Dieu se met en œuvre. Son Messie, son Évangile reste vivant à l’œuvre dans l’histoire humaine comme dans notre histoire à chacun !

« Il y a un lien entre l’étoile et la couronne d’Hérode. Mais la couronne va tomber, alors que l’étoile est ferme dans le ciel.

On peut désigner l’étoile, on peut recevoir sa lumière, mais on ne peut pas mettre la main dessus : elle est pour tous les hommes et pour tous les temps ».

Les Mages nous apprennent que depuis la venue de Jésus, Dieu se laisse trouver.

Chacun peut se mettre en route pour aller à la rencontre de Dieu, il est venu lui-même habiter chez nous ! Et la rencontre provoque immanquablement une grande joie. Pourtant, les signes de la présence de Dieu ne sont pas contraignants.

Libre à chacun de suivre l’étoile, libre à chacun de lire les textes ou d’interroger un ami… Libre à chacun de se mettre en marche.

Libre à chacun de reconnaître dans un enfant démuni la présence du Dieu d’amour et de vérité.

Libre à chacun de résister aux sirènes du pouvoir.

Libre à chacun d’entendre dans le murmure du sommeil les conseils du Très-Haut.

Libre à chacun d’adopter le regard que Dieu pose sur nous et sur tous les humains dans l’enfant Jésus.

« L’espérance du monde n’est ni dans la puissance, ni dans la richesse, ni dans la science, mais dans la faiblesse, dans la pauvreté, dans l’innocence d’un enfant. »

Amen

Andreas Seyboldt