Lettre adressée par Bernard De Clairvaux au pape Innocent III
Comment peux-tu être vraiment présent pour les autres si tu t’es perdu toi-même ?
Si tu passes toute ta vie en activités et si tu ne te crées plus d’espace pour le silence, je ne te soutiens pas !
Commence à te découvrir, pour que tu ne t’oublies pas en allant vers les autres.
A quoi te sert-il de gagner le monde entier si tu t’y perds ?
Comment peux-tu être pleinement humain, si tu t’es perdu ?
Toi aussi, tu es un être humain. Pour que ta bonté soit parfaite, tu ne dois pas seulement être là pour les autres, mais tu dois avoir un cœur attentif à toi-même.
A quoi cela te sert-il de gagner le cœur des humains en t’y perdant ?
Si toutes et tous ont le droit d’avoir une part de toi, sois alors aussi un homme qui a le droit de t’avoir.
Pourquoi serais-tu le seul qui n’ait rien de toi-même ?
Combien de temps encore offriras-tu ton attention à tous, sauf à toi-même ?
Tu te sens proche des sages et des fous et tu ne reconnais pas ce devoir d’être proche de toi-même.
Tout le monde puise dans ton cœur comme si tu étais une fontaine publique et toi, tu reste assoiffé à côté !
Laisse ton eau couler tranquillement à travers les places de Rome, mais avec tout le monde, bois aussi de l’Eau de ta Source.
N’es-tu pas étranger à tous si tu restes étranger envers toi-même ?
Oui, celui qui est mal avec lui-même, avec qui peut-il être bon ?
N’oublie pas : offre-toi à toi-même !
Je ne dis pas : fais-le toujours, mais je dis fais-le de temps à autre ; sois comme pour tous les autres : présent pour toi aussi.