Et si on parlait un peu de joie ?

Lecture :

Jean 15, 1 – 12

Prédication :

Et si on parlait un peu de joie ?

Est-ce que la joie pourrait être un remède contre la mélancolie, la morosité, la méfiance ?

Des mots (de joie) pour s’opposer aux maux de nos sociétés, en mal d’un vivre ensemble plus respectueux, plus harmonieux ?

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J’ai en tête cet extrait d’un poème de Jacques Prévert :

« Il y a des mots qui font vivre

Et ce sont des mots innocents

Le mot chaleur le mot confiance

Amour justice et le mot liberté

Le mot enfant et le mot gentillesse

Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits

Le mot courage et le mot découvrir

Et le mot frère et le mot camarade

Et certains noms de pays de villages

Et certains noms de femmes et d’amis ».

 

C’est de joie que je voudrais parler. A la manière de Prévert :

Il y a des joies douces comme la caresse du soleil le matin

Il y a la joie bruyante des petits garçons pleins de vigueur

Il y a la joie muette du premier regard quand les parents découvrent leur enfant

Il y a la joie bouleversante des amoureux

Et la joie paisible des anciens qui admirent les plus jeunes

Il y a la joie de Mozart et la paix de Bach

 

… Et il y la joie de Jésus qu’IL veut pour ses disciples :

« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite », (Jean15/11)

Elle est – dans ce chapitre 15 de l’Évangile de Jean – associé au fruit de la vigne :

C’est le vin qui réjouit le cœur de l’homme, dit la Bible….

Alors là, bien sûr, je me dois de faire une parenthèse parce que le vin peut être le pire ennemi de l’homme. Il faut le dire et il faut surtout aider ceux qui luttent contre cet ennemi. Ceci étant dit, je referme la parenthèse. Et je parlerai bien de vin ce matin, malgré tout.

Car finalement, à quoi peut bien servir la vigne, si ce n’est, après 10 mois de repos, puis de pousse et de travail intense, porter enfin du fruit et transformer ce fruit en vin – après avoir pris quelques grappes pour la table, bien sûr.

Ah, le vin français !

N’est-ce pas une bonne raison de venir habiter en France ? (J’avoue que pour moi, c’était, effectivement, une des raison !! )…

 

Énumérer les différents vignobles, voilà une chanson douce aux oreilles du connaisseur !

Les 3 B tout d’abord : Bordeaux, Bourgogne, Beaujolais

Puis les Coteaux : Côtes du Ventoux, Coteaux du Languedoc

Les Châteaux, les domaines… Bref, pour tous les goûts. …

Personnellement, j’ai une préférence pour les vins de Bordeaux.

(Il y a à cela une raison toute personnelle, familiale qui, pour le moins inconsciemment, m’avait poussé, il y 23 ans, de venir habiter en France : mon grand-père, jadis simple soldat « malgré lui » de la Wehrmacht, avait, en tant que prisonnier de guerre entre 1945 et 1947, planté des vignes sur un château de vins de Bordeaux. Il en avait gardé un souvenir émouvant d’accueil et d’amitié véritable avec la famille du vigneron qui aurait bien aimé l’accueillir avec sa famille pour de bon. Hélas, cela n’a jamais pu se faire … jusqu’à une génération après, la mienne…)

 

Mais revenons à notre vigne.

Cette image est très souvent utilisée dans la Bible pour parler tout simplement du Peuple choisi par Dieu. C’est sa vigne et il est le vigneron. Il prend soin de sa vigne et celle-ci porte plus ou moins de fruit, selon les époques…

Dans l’Ancien Testament, les relations entre Dieu-vigneron et son peuple-« vigne » ne sont pas aussi harmonieuses et idylliques que nous pouvons les voir et imaginer, grâce aux tableaux de certains peintres.

En réalité, elles sont assez houleuses. Souvent, les prophètes annoncent de la part de Dieu, une grosse colère. Dieu menace de laisser les sangliers ravager sa vigne puisqu’elle ne donne aucun fruit valable !

Mais, on le sait bien, la colère de Dieu est de courte durée, et rapidement, il se calme et refait la clôture qui protège la vigne des envahisseurs.

 

Quand Jésus, à son tour, dans l’évangile selon Jean, tient ce long développement viticole, il opère un véritable déplacement du sens de l’image. La vigne n’est plus le peuple que Dieu s’est choisi, mais Jésus lui-même.

Je suis la vigne, dit Jésus, vous êtes les sarments.

« Je suis la vraie vigne » (v.1), dit-il plus précisément :

Peut-il y avoir une fausse vigne ? Pourquoi Jésus est-il la vraie vigne ?

Si le peuple est la première vigne, Jésus lui est la vigne véritable, choisi par Dieu, parce qu’il est toujours demeuré dans l’amour du Père (v.10).

C’est sa fidélité de Fils choisi, unique, qui atteste qu’il est la vraie vigne. Son identité, Jésus ne l’a pas arrachée, il ne l’a pas conquise, elle lui a été donnée par son Père.

Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron.

De la même manière, les sarments, vous, moi, chacune, chacun, peut accueillir une nouvelle identité. Une identité donnée, une identité de sarment ?

Est-ce bien ainsi que nous imaginons notre relation à Dieu ? Comme un sarment accroché au cep ?

 

Cela ne laisse pas beaucoup de liberté – chère à l’homme moderne dont nous sommes : la liberté de conscience, la liberté de choisir, de circuler, de voyager, de « faire ce que je veux, quand je veux, où je veux, avec qui je veux » – n’est-ce pas aujourd’hui le droit fondamental le plus revendiqué, le plus considéré, le plus affirmé dans nos sociétés occidentales ? …

Vous avez remarqué comme moi, les publicités jouent sur une hyper individualisation du consommateur.

L’argument ultime, indiscutable, irréfutable, c’est :

« C’est mon choix ! » ou « Parce que je le vaux bien », ou encore

« J’ai bien le droit ! »… et autre affirmation toute aussi indiscutable mais qui ne constitue aucunement un argument pour un quelconque achat…

Pourtant, ce que Jésus souhaite de tout cœur, ce qu’IL clame et revendique pour ses disciples en premier lieu, ce n’est pas la liberté de l’individu ni le droit individuel du consommateur …

Mais, c’est la joie : « Je vous ai parlé ainsi pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (ce que nous devrions plutôt traduire ici par « Que votre joie soit complète »).

 

Voilà un nouveau point de vue qui mérite qu’on s’y attarde un peu :

Dépendre de quelqu’un, ça se discute, mais demeurer là où la joie de l’autre devient ma joie et où ma joie est complète, voilà qui change tout !

Il n’est plus question de dépendance. Mais de joie !

 

Mais avons-nous une raison de nous réjouir ? Ou, la joie, serait-elle un droit à revendiquer ?

Nous pouvons penser à cet article – à mon sens discutable – de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis qui accorde à leurs citoyens un « droit au bonheur »[1] … qui, d’ailleurs, est plus exactement le « droit à la recherche du bonheur »

 

La joie, le bonheur – tout comme l’amour, d’ailleurs, ne se décrète pas, ne ce commande pas, ne se revendique pas comme un droit de l’individu…

Or, ni le bonheur, ni la joie, ni l’amour n’est un droit dans le sens qu’on ne peut pas dire comment elle se fabrique, comme l’amour.

Éventuellement, les scientifiques peuvent dire quelle hormone entre en action quand on rit, mais on ne sait pas pour autant pourquoi cette hormone commence à fonctionner, ni sur quel ordre…

 

Comme l’amour, la joie existe, elle surgit, elle se déclare, mais rien ne peut la circonscrire.

On ne peut pas enfermer la joie dans une bouteille !!

Pourtant Jésus dit, « Je vous ai parlé ainsi pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. » …

La joie que Jésus promet vient du fait d’être « sarments » attachés, dans le sens de « liés » à la vigne qu’est le Christ. …

N’y a t’il pas de la joie d’être ainsi « porté » non pas par nos propres moyens, mais par un Autre qui nous tient, qui nous aime tels que nous sommes, qui nous donne notre véritable identité de fille et de fils d’un Père infiniment aimant ?

N’y a t’il pas de la joie à se découvrir ainsi libéré du poids de notre existence dans un monde où, pour être reconnu, il faut faire se « preuves », il faut être performant etc. …

 

Aussi, dans la liste de Prévert de ce qui rend joyeux, nous pouvons ajouter :

Demeurer dans l’amour du Père et du Fils et porter les fruits de cet amour.

Mais nous ne pouvons pas expliquer pourquoi.

Nous pouvons simplement voir les traces de cette joie, goûter aux fruits de ces relations d’amour, constater les réconciliations dans l’Esprit, lire les signes de résurrection, les avancées dans les dialogues pour la paix.

Là où la vie reprend ses droits, c’est la force créatrice de Dieu qui est à l’œuvre. 

 

Être fixés à la vigne qui est le Christ, ce n’est pas abandonner sa liberté, son indépendance, c’est vouloir que sa vie toute entière porte les fruits de la joie que seul le Christ, dans sa communion à Dieu, peut nous donner.

Faire le choix de la joie, je dis oui !

Il y a des mots qui font vivre…

Que le mot Christ vous ouvre le chemin de la joie. …

Amen

Pasteur Andréas Seyboldt