Dieu, notre Père (prédication du 3 novembre 2013)

Dimanche 3 novembre 2013

Texte biblique : Jérémie 31, 6-9

Nous venons d’entendre la confession de foi d’Auriane : confiance en un Dieu qui « apaise, guide, éclaire ».

Dans la Bible, cette triple fonction de Dieu se résume en un mot : « Père ».

Dieu apaise, guide, éclaire parce qu’il est notre Père et que nous sommes ses enfants.

Nous connaissons tous cette affirmation … mais que change-t-elle à notre vie ?

Soyons francs : pour beaucoup d’entre nous, il ne s’agit que d’une belle formule.

Certains la considèrent même comme infantilisante.

Après tout, ne serions-nous pas des adultes ou, comme toi, Auriane, appelés à le devenir ?

Ne faudrait-il pas, alors, « tuer le Père », abandonner Dieu, pour devenir enfin autonomes et responsables ?

Enfin, certains jugent cette paternité divine misogyne. Pourquoi comparer Dieu à un Père et non à une Mère ?

Faisons un retour en arrière de 2500 ans environ.

Le Royaume de Juda a été envahi par les Babyloniens.

Jérusalem a été mis à sac, une partie de la population – la plus brillante – a été exilée.

Pour ces Judéens, exilés à 1500 kms de chez eux, tous les repères ont disparu : ils ont perdu leur pays, leur liberté, leur Temple. Dieu même semble les avoir abandonnés.

Alors ils s’interrogent : l’Eternel serait-il l’un de ses dieux lointains qui ne s’intéressent pas à ce qui nous arrive ?

Ou serait-il un juge impitoyable, qui punit les habitants de Jérusalem de leurs fautes, de génération en génération ? Nabuchodonosor, chef des Babyloniens devient alors le « fouet de Dieu » !

Troisième hypothèse : Dieu serait bon mais impuissant, moins fort en tous cas que d’autres dieux, moins performant que les magiciens et astrologues de Babylone ou les soi-disant pasteurs charismatiques guérisseurs qui sévissent en banlieue parisienne.

Alors, Dieu est-il lointain, impitoyable ou impuissant ?

« Je deviens un Père pour Israël et Ephraïm est mon fils aîné » affirme-t-il par la bouche du prophète Jérémie.

Cette parole renverse ces trois suppositions.

D’abord, Dieu n’est pas indifférent au sort de son peuple.

Bien au contraire, il le suit, il reste proche de lui.

Et, de même qu’un père se fait du souci pour son enfant et se réjouit de ses réussites, le Seigneur est remué par ce qui arrive à son peuple.

La Bible emploie même une expression très familière : « pris aux tripes ».

Dieu est « pris aux tripes » par nos aventures et mésaventures.

Cela ne nous protège pas magiquement des épreuves.

Le hasard, les erreurs, la malveillance, tout cela continue et continuera, notre vie restera parfois difficile, mais, au moins, nous ne serons pas seuls pour les traverser.

Dieu est proche, il est présent dans notre vie. Et ce que nous vivons compte pour lui.

Parfois, au cours d’entretiens, des personnes me disent que ce qui leur arrive n’est pas très grave et que Dieu ne doit pas y prêter une grande attention car d’autres vivent des épreuves largement plus éprouvantes.

Ces propos sont parfois sages. Mais, bien souvent, ils sous-entendent autre chose : ce que je vis est sans importance pour Dieu, car je lui importe peu.

S’il vous arrive de penser cela, sachez que Dieu est votre Père et que vos craintes, vos aspirations et vos éventuelles blessures le touchent.

L’Eternel n’est pas davantage un juge impitoyable.

En se présentant comme Père, il dit à son peuple que, contrairement aux vieilles idées reçues des religions antiques, il ne fait jamais payer aux enfants les fautes des parents ni à un pays les fautes de ses ancêtres.

Il ne fait pas même payer à un individu le prix de ses fautes.

Comme le dira plus tard Jésus : « Dieu fait pleuvoir sur les justes et les injustes, lever son soleil sur les bons et les méchants ».

Ainsi, Dieu pardonne, surmonte les folies des hommes, pour revenir vers eux et leur proposer une autre façon de vivre.

Un père incapable de pardonner à son enfant serait considéré comme indigne.

Alors, à plus forte raison, lorsque Dieu nous dit qu’il est notre Père, il sous-entend par là qu’il nous pardonne, comme il a pardonné au peuple juif, et à ceux qui ont mis à mort Jésus.

Ce ne sont pas là des mots lancés en l’air, un dimanche matin.

Je crois fermement que tout ce que nous avons fait et que nous regrettons, tout ce que nous avons caché à notre entourage et à nous-même, est désormais pardonné.

Dans la prière, nous pouvons donc tout lui déposer : même nos peurs les plus intimes, mêmes nos tentations les plus coupables, même nos débordements de panique ou de ressentiment qui nous font si peur.

Tout peut être pardonné, toute page peut être tournée.

Enfin, l’Eternel n’est pas impuissant.

Il le promet : son peuple reviendra de Babylone.

Il le promet : son peuple vivra dans la sécurité, la prospérité et la paix.

Il le promet : la situation du peuple sera changée : concrètement, pratiquement, visiblement.

« Je changerai leur deuil en allégresse ».

C’est l’engagement de Dieu.

Et son peuple pourra rapidement vérifier que l’Eternel ne s’engage pas en l’air.

Dieu a des projets pour moi et il me permet de les réaliser

Tout bon parent cherche à éduquer ses enfants, c’est-à-dire, étymologiquement, à les conduire au dehors, à les rendre adultes, autonomes.

Il en est de même avec Dieu.

Il désire que nous grandissions.

C’est pourquoi il agit spirituellement en nous.

Peu à peu, Dieu diffuse en nous ces nombreux bienfaits : la paix intérieure, la joie, l’espérance, la capacité à aimer ceux pour que nous ne comprenons pas.

Pour grandir, Dieu nous donne aussi des frères et des soeurs, une famille spirituelle, une communauté. Et j’espère vraiment, Auriane, que tu pourras grandir dans l’Eglise et apporter ce que tu es, pense et espère.

Vous comprenez désormais pourquoi Dieu se présente comme Père.

A un peuple exilé, qui se croit abandonné ou condamné, il leur dit qu’il est proche d’eux, qu’il leur pardonne et agit pour les protéger.

Comme des bons parents envers leurs enfants.

Cela n’empêchera pas les épreuves, la malchance ; les défaites, les fautes et les erreurs du peuple. Cela n’empêchera pas le peuple de payer parfois très cher ces fautes, ces erreurs.

Mais, au sein même des épreuves, le peuple juif sait maintenant que Dieu l’aime, lui pardonne, est présent et agit.

Mais une question subsiste : pourquoi se présente-t-il comme Père et pas comme Mère ?

Pourquoi Jésus, à son tour, parlera-t-il de Dieu comme de son Père ?

Après tout, Dieu n’est pas sexué et l’Ecriture lui prête des sentiments aussi féminins que masculins.

Si l’Eternel se revendique comme Père, c’est pour trois raisons.

– Les déesses étaient nombreuses parmi les divinités proche-orientales, nombreuses et populaires. Affirmer que Dieu est « Père » et non « Mère » revient à rompre avec ces religions « régressives » où l’on se fond dans une « Mère » toute puissante.

– Au moment de la gestation, la mère est en fusion avec son bébé, encore embryonnaire. Ce dernier est en elle.

Le père, lui, est toujours distinct de son bébé. Il ne se confond pas avec lui.

C’est pour cette première raison que Jérémie parle de Dieu comme Père et non comme Mère.

Nous pouvons être proches de Dieu mais nous ne fusionnons pas avec Lui.

Nous sommes proches mais restons séparés.

Personne ne peut dire : « Je suis en Dieu et Dieu est en moi; suivez-moi aveuglément ».

– Troisième motif : Dieu est notre Père parce qu’il nous reconnaît, nous adopte.

Lorsqu’un enfant naît, sa mère ne le reconnaît pas juridiquement car l’enfant est issu de son corps. Par contre, un père reconnaît sa paternité.

En se présentant en tant que « Père », l’Eternel nous reconnaît comme son enfant alors que rien ne l’y obligeait.

Vous le mesurez : il n’est pas indifférent que Dieu se présente comme notre Père.

Car nous traversons aussi des exils dans notre vie, des moments difficiles durant lesquels nous nous sentons démunis et abandonnés.

Nous doutons aussi parfois de Dieu, de sa présence, de sa bienveillance et de sa capacité à agir.

Pour certains, l’exil semble marquer leur existence, tellement cette dernière est traversée par les déchirements, les ruptures, les séparations.

Alors, à chacun, l’Eternel déclare : « je deviens un Père pour toi. Je te choisis comme mon enfant. »

Ayruane, si tu sais cela, alors tu pourras oser, t’engager, te réjouir.

Une histoire l’illustre bien.

Baal Shem Tov était le fondateur du mouvement hassidique, mouvement juif fondé sur la foi et la joie. Il était encore enfant lorsque ses parents sont morts. Avant de décéder, son père lui dit : « Mon fils, je n’aurai pas l’occasion de parfaire ton éducation. Alors n’oublie jamais ce que je vais te dire : chaque jour, Dieu est avec toi, alors il n’y a pas grand-chose que tu aies à craindre ».

Lorsque, à son tour, Baal Shem est devenu âgé, il confia qu’il n’avait jamais oublié cette parole : « il n’y a pas grand-chose que tu aies à craindre » et que cette parole l’avait aidé à devenir si actif et si serein.

« Je deviens un père pour Israël »

Par cette seule phrase, Dieu dit à son peuple qu’il a choisi d’être proche de son peuple, de le pardonner, de l’aimer et l’aider à grandir.

Un homme a vraiment pris au sérieux cette parole.

Un homme a vraiment laissé Dieu agir en lui.

Un homme a vraiment grandi jusqu’à la stature de fils unique de Dieu.

Cet homme, c’est Jésus.

Il nous montre quelle intimité peut se vivre avec Dieu et quelle force et quelle liberté cela donne.

Il nous montre quel amour peut se partager avec ceux qui nous entourent.

Alors, pour vivre en enfant de Dieu, prenez au sérieux cette parole de Dieu : « Je suis un père pour vous ».

Amen !