Dieu dit « oui » (Pâques 2015)

Prédication du dimanche de Pâques 2015

Texte biblique : Luc 24, 1-12

A Pâques, nous nous réjouissons légitimement.

Nous nous réjouissons de la résurrection du Christ.

Nous nous réjouissons à l’idée que nos morts ressusciteront.

Nous nous réjouissons de la vie qui émerge de la mort.

Nous nous réjouissons … et nous avons raison de nous réjouir.

Pâques est bien le point central de notre foi … du moins si nous ne le réduisons pas au dimanche matin.

Pâques, c’est le vendredi et le dimanche, c’est la mort de Jésus et sa résurrection, c’est le « non » des hommes à Dieu et le « oui » de Dieu aux hommes.

Si nous oublions la mort de Jésus ou si nous oublions la résurrection, nous nous fourvoyons dans l’une des deux impasses suivantes : l’impasse du désespoir athée ou celle d’un optimisme chrétien naïf.

D’abord, le désespoir athée, si bien médiatisé par le philosophe Michel Onfray.

S’il n’y a pas de résurrection, alors il n’y a pas de place pour l’espérance.

Il ne doit pas y en avoir.

L’homme ne doit plus rien attendre de l’avenir et encore moins de Dieu.

Il doit accepter ce qui lui arrive et jouir du présent, en attendant la mort.

Inversement, en tant que chrétiens, nous courons le risque d’oublier la croix et de tomber dans un idéalisme naïf.

Dans notre foi, souvent, le tombeau vide masque la croix.

Le Christ a été condamné par les juifs et les romains, il a été abandonné de presque tous, il a souffert, il est mort … quelle importance puisque tout se termine bien ?

Pourtant, Paul nous rappelle utilement que le message chrétien part de la croix.

« Je n’entends prêcher que Christ et Christ crucifié » écrit-il.

Paul insiste sur la croix car il sait qu’en l’oubliant, nous tombons dans le piège de l’idéalisme, selon lequel l’être humain serait fondamentalement très gentil et qu’il suffirait d’un peu de bonne volonté, de morale ou d’instruction pour faire de ce monde un jardin.

Vous le mesurez, et même si je caricature évidemment ces deux positions, l’une comme l’autre sont des impasses.

La première nous désespère, la seconde nous fait rêver.

Ni l’une ni l’autre n’a de prise sur notre réalité.

C’est pourquoi il est vital de prendre au sérieux et la mort de Jésus et sa résurrection.

Revenons trois jours en arrière.

Nous sommes le jeudi, dans le jardin de Gethsémané.

Jésus est seul.

Avant même d’être arrêté, il est – nous dit Marc – « frappé d’effroi et d’angoisse ».

Il ne va pas joyeusement au-devant de l’épreuve comme tant de martyrs politiques ou religieux, mais il prie son Père qu’elle lui soit épargnée.

Plus tard sur la croix, il criera : « mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Luther commentera ainsi le récit du jeudi saint : « Aucun homme n’a jamais craint la mort plus que cet homme ».

Pourquoi Jésus réagit-il ainsi ?

Qu’est-ce qui suscite en lui cet effroi, cette angoisse ?

D’abord, Jésus traverse seul cette épreuve.

Progressivement, la foule du dimanche des rameaux s’est dispersée, même les disciples dorment, avant de s’enfuir ou de le renier.

« Le symbole des apôtres » affirme que Jésus « est descendu aux enfers ».

Je comprends cette phrase symboliquement : Jésus a affronté l’enfer de la peur et de la solitude.

C’est peut-être là, dans ce jardin de Gethsémané, qu’il est le plus proche de nous et, en particulier, de ceux qui ont traversé pareil enfer.

Jésus n’a pas seulement peur de la mort.

Il est aussi affligé par ce qu’elle signifie : le refus du Royaume.

Jésus proclamait que le Royaume était proche et qu’il était donc possible de vivre comme Dieu le demande.

Il avait placé l’homme devant un carrefour et ce dernier ne pourrait que choisir ce qui fait vivre plutôt que ce qui fait mourir : l’amour et le pardon plutôt que le rejet de l’autre et de soi, la vie selon l’Evangile plutôt que la soumission aux idoles.

Jusqu’au bout, Jésus a espéré.

Au jardin de Gethsémané, il comprend que l’homme dit « non » à Dieu, « non » à la vie nouvelle qu’il lui offre. C’est pourquoi « il est triste à en mourir ».

Chers amis, ce « non » à Dieu et à son offre, nous continuons à le dire.

Regardez notre monde actuel avec ses drames récurrents !

Regardez ce manque d’espérance collective, qu’elle concerne notre pays ou l’avenir de notre monde !

Regardez ces existences si souvent gaspillées !

Faut-il alors désespérer ou nous contenter de rêver d’un autre monde ?

Au matin de Pâques, Marie Madeleine se pose peut-être ces questions.

Elle a écouté Jésus, elle l’a suivi, elle l’a peut-être aimé.

Elle a vu la foule hurler contre lui et les disciples l’abandonner.

Bien sûr, elle lui est restée fidèle et vient embaumer son corps.

Seulement, il s’agit là de fidélité, pas d’espérance.

Mais voici qu’en ce matin de Pâques, la tombe est vide.

Jésus est vivant !

Il lui parle !

Aussitôt ; la résignation fait place à la joie, au mouvement.

La vie surgit.

Christ est ressuscité !

Dieu dit « oui » à l’homme.

Il reprend l’initiative, il redonne l’avantage à la vie.

Aujourd’hui encore, le tombeau vide, c’est comme si Dieu nous disait : « Oui, malgré ton refus et ta folie, je ne te laisse pas, je ne t’abandonne pas.

J’ai ressuscité le Christ.

Je veux te donner la vie en abondance.

Bien sûr, tu pourras continuer à me dire « non », à gâcher ta vie et celle de ceux qui t’entourent, mais sache que moi, ton Dieu, je te dis « oui » sans condition, pour toujours.

C’est pourquoi l’avenir est ouvert. Le tien et celui du monde ».

Pâques, c’est ce « oui » de Dieu.

Bien sûr, nous restons marqués par le mal.

Bien sûr, nous restons abîmés par la soif de pouvoir et de reconnaissance, la rancœur ou les remords.

Mais, parce que Jésus est mort, nous pouvons prendre au sérieux ces impasses.

Et parce qu’il est ressuscité, nous savons qu’une autre vie est possible.

Assuré de la grâce de Dieu, je peux vivre dans une « tranquille estime de soi ».

Assuré de l’amour de Dieu, je peux me tourner vers mon prochain.

Assuré de recevoir l’essentiel, je peux donner et me donner.

Rempli d’espérance, je peux agir pour transformer ce monde et le rendre plus humain.


Parce que Jésus est ressuscité, je sais aussi qu’un jour, nous ressusciterons.

La puissance de Dieu est supérieure à la mort physique.

Quelque chose de nous vivra éternellement auprès de Dieu.

Nos proches décédés vivront éternellement aurès de Dieu.

De même, soyons assurés que Dieu peut aussi ressusciter ce qui est mort en nous.

Avec Dieu, par Dieu, tout peut recommencer, tout peut renaître.

L’avenir est ouvert.

Il en est de même pour notre monde.

Il paraît usé et à bout de souffle.

Les guerres, les intolérances religieuses, le chômage de masse, les risques d’attentat.

Pourtant, le tombeau vide est la preuve que les promesses de Dieu ont plus de poids que nos échecs répétés.

Avec l’aide de Dieu, nous pouvons redevenir acteurs de notre vie, de notre Eglise, de notre monde.

Tout peut ressusciter. Tout peut revivre.

Dans une demi-heure, vous quitterez ce temple.

Que ferez-vous alors ?

Dieu vous dit « oui » 

Dieu renouvelle son offre du Royaume !

Dieu se propose de vous rendre pleinement vivants et acteurs.

Allez-vous orienter notre existence en fonction de ce « oui » ?

Amen !

 Illustration_Paque