« Confiance et prise de risque »

Culte par ZOOM le 15-11-2020

Pasteur Denis Heller

Matthieu 25 v 14 à 20    En effet, il en va comme d’un homme qui, partant en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens.15A l’un il remit cinq talents, à un autre deux, à un autre un seul, à chacun selon ses capacités ; puis il partit. Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla les faire valoir et en gagna cinq autres. 17De même celui des deux talents en gagna deux autres. 18Mais celui qui n’en avait reçu qu’un s’en alla creuser un trou dans la terre et y cacha l’argent de son maître. 19Longtemps après, arrive le maître de ces serviteurs, et il règle ses comptes avec eux. 20Celui qui avait reçu les cinq talents s’avança et en présenta cinq autres, en disant : “Maître, tu m’avais confié cinq talents ; voici cinq autres talents que j’ai gagnés.” 21Son maître lui dit : “C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t’établirai ; viens te réjouir avec ton maître.” 22Celui des deux talents s’avança à son tour et dit : “Maître, tu m’avais confié deux talents ; voici deux autres talents que j’ai gagnés.” 23Son maître lui dit : “C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t’établirai ; viens te réjouir avec ton maître.” 24S’avançant à son tour, celui qui avait reçu un seul talent dit : “Maître, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu ramasses où tu n’as pas répandu ; 25par peur, je suis allé cacher ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien.”

26Mais son maître lui répondit : “Mauvais serviteur, timoré ! Tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé et que je ramasse où je n’ai rien répandu. 27Il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers : à mon retour, j’aurais recouvré mon bien avec un intérêt. 28Retirez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les dix talents. 29Car à tout homme qui a, l’on donnera et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré. 30Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres du dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents.”

Chers amis,

On dit souvent que les textes bibliques appartiennent à un autre monde, sont d’une autre époque. Ce n’est pas le cas avec cette parabole. Elle est tout à fait en phase avec notre société capitaliste et ses biens de consommation. Si il fallait fournir un kit pour un parfait financier ou le parfait gestionnaire de biens, notre parabole aurait toute sa place.

 Elle félicite en effet ceux qui ont fait de bons placements. Elle sanctionne celui qui a fait dormir dans un coin l’argent confié. Elle encourage d’une certaine manière à se lancer dans les affaires pour produire et faire fructifier.

Il est certain que notre parabole a marqué fortement l’éthique du travail et le rapport à l’argent que l’on connaît dans une approche protestante tout particulièrement calviniste et que le sociologue Max Weber a cherché à décrypter dans ses ouvrages.  Je pense aussi aux Pères Fondateurs, venus d’Angleterre, les puritains dont nous fêtons cette année le 400éme anniversaire de leur arrivée en Amérique sur le Mayflower. Ils étaient portés par ces valeurs du travail, d’utilité, de production de richesses pour tous , à la lumière de notre parabole.

Pour autant ne nous trompons pas . Notre parabole ne nous propose pas la méthode « couet » à suivre pour faire des bonnes affaires. Elle est , le tout début du chapitre nous le rappelle, parabole du Royaume des cieux, les autres évangiles diront Royaume de Dieu ; c’est à dire un récit de fictif délivré par Jésus à ses disciples, pour leur faire entendre de l’oreille et surtout de « la foi », ce qu’est le Royaume des cieux.

Il y est question comme dans toute parabole , de manière imagée, des relations de Dieu entre les humains, et du coup des relations des humains avec eux mêmes et entre eux . Une parabole et non une allégorie qui contrairement à une parabole , point par point, détail par détail, situation par situation illustre le Royaume. Non, la parabole souvent propose une pointe, un axe, une traversée sans vouloir figurer le Royaume dans le moindre détail.

Cette parabole est appelée souvent parabole des talents. On insiste alors sur la réalité des talents. Quels sont-ils ? Elle est appelée aussi parabole des trois serviteurs. On s’intéresse alors davantage au comportement de chacun d’eux et à leur devenir. De quel serviteur je me sens proche ?

Je serai tenté de l’appeler parabole de la confiance et de la prise de risque.

Voilà la pointe, voilà la traversée que je vous propose ce matin. Bien d’autres pourraient être encore relevés.

Oui parabole de la confiance et de la prise de risque. Car tout commence par la confiance et pas la confiance à laquelle on s’attend.

Je lis le tout début : »Il en va ( il s’agit du Royaume) d’un homme qui partant en voyage appela ses serviteurs et leur confia ses biens » Fin de citation. Cette parabole commence par une grande confiance accordée aux serviteurs. L’homme en tant que maître laisse ses biens , tous ses biens entre les mains des serviteurs, sans surveillance, nous dirions aujourd’hui sans vidéo surveillance. Il a une entière confiance en ses serviteurs, qu’il laisse totalement libre d’agir. Preuve de sa totale confiance. Peut-être sont-ils laissés trop libres car on peut faire remarquer qu’il ne leur donne aucune consigne, ne leur fait aucune recommandation ? A chacun d’eux se montrer responsable et digne de la confiance qui lui est faite ; à chacun d’eux d’exercer sa liberté et sa responsabilité avec les talents confiés.

Est-il injuste lorsque sans avoir explicité ses attentes, le maître s’en prend au serviteur qui n’a fait que cacher les talents reçus ? On peut penser que le serviteur connaissait les attentes de son maître puisqu’il était déjà à son service. Le maître au moment de son départ n’avait pris la peine de les lui redire. Confiance trahie ? Confiance déçue ?

Le serviteur qui n’a rien tenté, qui n’a rien risqué, a fait son propre malheur. Il l’avoue, il le reconnaît lui-même devant son maître. Il explique même son comportement : « Par peur, dit-il, je suis allé cacher ton talent, je savais que tu es un homme dur »

La peur l’a paralysé, l’a figé. Il a confiné le talent reçu dans la terre et il s’est confiné avec lui dans la peur, pour son malheur. Il s’est laissé enfermé dans sa peur en même temps qu’il enfermait le talent dans la terre. Ainsi ce talent a « dormi » non du sommeil du juste mais plutôt du sommeil de la mort.

Une parabole binaire, peut-être trop simple, trop simpliste, avec d’un côté, des serviteurs confiants qui ont osé, risqué et fait fructifier leurs talents ,ce qu’ils avaient reçu. Ils sont du bon côté, du côté de la vie. Ils sont qualifiés de bons et fidèles serviteurs.

De l’autre côté, notre serviteur craintif, paralysé par la peur, confiné, qui n’a rien fait. Il est du mauvais côté, du côté de la mort. Notre parabole qui n’est qu’une parabole se termine d’ailleurs pour lui par la réalité de la mort.

D’un côté, une confiance active, agissante, audacieuse, entreprenante, vivante et de l’autre côté une peur inactive, asphyxiante, étouffante, mortifère.

Et pourtant aux 3 serviteurs une même confiance première avait été faite, accordée.

Une même confiance première qui nous est aussi accordée à tous encore en Jésus Christ par ce Dieu qui nous fait confiance, nous confiant des biens , ses biens, des talents, ses talents, nous laissant aussi immensément libres pour agir, pour faire fructifier les richesses reçues.

Il me semble qu’aujourd’hui la menace de la peur nous guette, que le virus de la peur risque de nous gagner. Dans un contexte alarmiste, dans cette crise sanitaire qui nous contraint de respecter des mesures barrières restrictives, qui nous invite à toujours plus de prudence, nous pourrions être tentés de nous recroquevillés sur nous-mêmes, de confiner nos vies, nos talents, nos richesses entre les 4 murs de nos maisons ou de nos appartements. Tous les dons que nous avons reçus qu’ils soient innés ou acquis, nos capacités, nos potentialités, nos possibilités sont comme en veilleuse, cachés, enfouis. Les talents que Dieu nous confie, pour qu’ils fructifient et bénéficient aux autres, à notre entourage, à nous-mêmes risquent d’être enfouis par le confinement, par la peur.

Plutôt que de les étouffer, avec l’aide de Dieu, dans sa confiance accordée, par Son Esprit promis, osons les faire fructifier, autrement, avec imagination et inventivité pour les autres.

 Nous pouvons encore nous risquer, nous lancer dans des projets, des nouveautés pour nous-mêmes et pour les autres. Richesses d’amour, de savoir, de service, d’attention, de présence, d’écoute, de paroles, de liens à faire fructifier , à développer pour la joie de soi-même et des autres. Nos dons , c’est à dire nos capacités , nos potentialités sont appelés à devenir dons pour les autres, appelés à être donnés pour l’enrichissement de tous. Que nos dons deviennent dons aux autres !

Et nous communautés chrétiennes, qui vivons au ralenti , sans possibilité de nous rassembler en présentiel, ne devenons pas des gardiens du temple, des gardiens de musées, des gardiens d’un passé révolu, des conservateurs d’un trésor enfoui, osons, risquons de nouveaux témoignages d’un Évangile à partager, d’un amour de Dieu à répandre et à faire fructifier pour le bien de tous.

Qui dit confiance, dit prise de risque pour aller de l’avant, malgré tout, sans insouciance, ni imprudence mais avec vigilance et clairvoyance.

Le Dieu en qui nous croyons, nous appelle ses serviteurs. Nous sommes plus que 3 !

Il nous confie ses biens et nous fait confiance . A nous de les faire fructifier et de les partager pour la joie de tous .

Amen