Culte de noël: « Tous fragiles ! »

25-12-2017  Culte de Noël

Matthieu 1 v 18 à 25 , Philippiens 2 v 4 à 11

« Tous fragiles ! »

Rien de tel pour découvrir un quartier, une ville qu’on ne connaît pas encore, que de marcher.

D’autant ,et certains d’entre vous le savent, j’aime marcher. C’est que je faisais dernièrement dans les rues de Courbevoie alors que j’allais rendre visite à une personne âgée et isolée de la paroisse.

Et quelle ne fut pas ma surprise de voir sur le trottoir ,affiché sur un des panneaux publicitaires , le message de Noël. Oui le message de Noël , en grand , de manière bien visible et pourtant nous n’étions pas dans une église mais bien sur la voie publique , dans l’espace public, là où parfois le moindre signe religieux peut provoquer remous et réactions vives, au nom d’une sacro-saint laïcité mal comprise !.

Et il ne s’agissait pas du message de Noël passe partout qui devient un appel à la consommation , à la sur consommation ; un appel à acheter les dernières trouvailles de la technologie en matière de bien-être ; un message de Noël commercialisé qui transforme Noël en fête du déballage, du marchandage, de l’étalage , du gaspillage.

Il ne s’agissait pas non plus d’un message de Noël , lui plus moral ! , davantage recevable et respectable qui est celui de l’appel à la solidarité et au partage. Noël fête chrétienne sécularisée et laïcisée qui devient la fête de la générosité à la fois pour ses proches et pour les plus démunis.

Non , il s’agissait bien sur un panneau publicitaire , pour ne pas le citer du nom de Decaux , du message chrétien de Noël, tel que nous le trouvons dans le nouveau testament, du sens profond de la naissance de Jésus qui par sa venue dévoile tout à la fois ce qu’est l’humain et ce qu’est le divin. Oh, certes, à la vue de ce panneau publicitaire il n’était pas question directement de Noël ; il n’était pas question directement de Jésus et pourtant.

Devant moi, une grande photo représentant une boîte d’œufs , ouverte, avec sur chaque œuf, un visage humain dessiné à la peinture et du coup un ensemble pouvant figurer les passagers d’une voiture, assis côte à côte et associé à cette image, des paroles fortes écrites en gros caractères : « Sur la route nous sommes tous fragiles, respirez, souriez, ralentissez » »Sur la route nous sommes tous fragiles, respirez, souriez, ralentissez »

Une campagne de la Prévention routière appelant à une conduite prudente et sage en cette période de l’année, d’intenses déplacements et circulations.

Et si le message délivré par la prévention routière faisait écho au message de Noël , au message de l’Évangile que la venue de Jésus parmi nous met en  lumière ?

 Il suffit de rajouter 3 mots et nous voilà directement concernés, interpellés quant à notre manière d’habiter nos existences. Oui, plutôt que de dire : « Sur la route nous sommes tous fragiles, respirez, souriez, ralentissez » disons : «  Sur la route de la vie nous sommes tous fragiles, respirez, souriez, ralentissez »

La formule de la prévention routière laisse sous-entendre qu’en dehors de la route nous ne serions pas fragiles et que nous serions alors au contraire incassables, inusables, inoxydables comme certains objets et que du coup tous les coups seraient permis !

N’est-ce pas le propre de la condition humaine que d’être traversé par la fragilité ? Nous sommes des êtres mortels, marqués par la finitude, dont les jours sont mesurés, comptés.

Nous connaissons la maladie, les faiblesses physiques. Nous connaîtrons un jour et certains d’entre nous la connaissent déjà , la vieillesse et la diminution de nos facultés et de nos forces. 

La fragilité est non seulement une réalité physique mais aussi une réalité qui touche notre être le plus profond, inhérente à notre humanité.

Nous sommes des êtres en manque, en attente ; des êtres de désir ; en ce sens que nous ne sommes pas auto suffisants, ni en mesure de vivre uniquement par nous-même , sur nous-même. Nous aspirons à recevoir de l’autre, des autres. Il y a en nous comme un vide à combler que l’autre, les autres, que notre environnement peuvent remplir.

C’est ainsi que Dieu nous a créés comme des vases d’argile pour reprendre une expression biblique ; des vases de grand prix , de grandes valeurs mais fondamentalement fragiles comme ces œufs cassables représentés par l’affiche de la prévention routière.

Cette fragilité est parfois source de souffrances, de détresse. Elle est souvent dure et difficile à vivre  lorsque nous sommes confrontés à la maladie ou la perte d’un être aimé. Certes elle peut être réduite, apprivoisée voire aménagée mais la fuir , la refuser, la rejeter, ce serait rejeter notre humanité, notre condition de créature humaine.
Que serait un monde où les êtres seraient blindés, caparaçonnés, tout puissants ; auto suffisants, forts et durs tout d’un bloc tel le granit , tel un robot ? N’est-ce pas ce vers quoi nos sociétés contemporaines cherchent à aller par le transhumanisme et la robotisation à outrance ?

Une fragilité à laquelle nous ne pouvons pas échapper qui nous fait humains, qui nous rend humains  mais qui est  bien difficile à vivre quand il faut accepter nos limites, nos failles, nos faiblesses, nos insuffisances.

Oui Sur la route de la vie nous sommes tous fragiles et cette période de Noël, je dirais et aussi Dieu avec nous.

La naissance de Jésus nous le rappelle.

Emmanuel , Dieu avec nous, Dieu avec nous dans nos fragilités.

Car chose impensable, chose incroyable, chose inconcevable, dans le domaine du religieux et des dieux ,ce qui rend le christianisme tout à fait spécifique, Dieu se rend lui-même fragile.

Il devient fragile avec nous. Il devient humain avec nous. « Lui dont la condition était celle de Dieu s’est dépouillé lui-même en prenant la condition d’esclave en devenant semblable aux hommes , après s’être trouvé dans la situation d’un homme »  dira l’apôtre Paul dans sa lettre aux Philippiens .

Il nous rejoint dans nos fragilités , dans notre humanité pour nous rendre vraiment humains, pleinement humains, c’est à dire en mesure d’accepter ce que nous sommes dans nos limites, nos manques , dans nos fragilités.

Une fragilité à pleinement accepter pour nous même et qui rime alors avec humilité. Du coup une fragilité à pleinement reconnaître chez l’autre , chez le prochain et qui rime alors avec attention et humanité.

J’aime ce qualificatif, cet adjectif que l’on utilise , lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il est humain ; humain en ce sens qu’il connaît ses fragilités et ses faiblesse et qu’il accueille l’autre aussi avec ses fragilités et ses faibles. Il se montre tendre, sensible, attentif ; écoutant , touchée par ce qu’est l’autre , aimant.

Dieu dans son amour lui, qui s’est fait fragile , nous apprend à habiter nos fragilités , nos vulnérabilités pour nous rendre riches et forts en amour, en humanité, en fraternité.

La fragilité de l’enfant qui naît à Noël dans la crèche deviendra  force d’amour et d’espérance. Fragile à la crèche, fragile , humain et aimant tout au long de son ministère , fragile à la croix, , fragile présence discrète , secrète et pourtant bien réelle du ressuscité ; c’est » Lui , dira Paul , que Dieu a souverainement élevé et à qui il a donné le nom qui est au-dessus de tout nom afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse  dans le cieux, sur la terre et sous la terre et que toute langue confesse que Jésus Christ est seigneur à la gloire de Dieu le Père » , fin de citation.

Oui sur la route de la vie , nous sommes tous fragiles et Dieu avec nous dans son amour et le slogan se poursuit.  « Respirez, souriez, ralentissez ! »

 Trois exhortations qui impliquent alors une manière d’être et de vivre vis à à vis de soi-même et vis à vis des autres. Lorsque cette fragilité est assumée, acceptée avec l’aide de Dieu et pour soi-même et pour les autres, une manière autre, nouvelle de vivre en découle.

Respirez ! Respirez au souffle de Dieu. Respirez au souffle léger de l’Esprit de Dieu à plein poumon pour goûter la joie de vivre, le plaisir de vivre. Une respiration qui permet de prendre conscience du souffle de la vie ; de cette vie fragile  délicate et précieuse dont nous sommes bénéficiaires. Respirez au vent de Dieu qui souffle dans l’Évangile , à travers les paroles bibliques . Un souffle d’amour qui porte toute la vie de Jésus et qui vient jusqu’à nous .

Respirez au vent de Dieu , au vent de son amour.

« Sur la route de la vie nous sommes tous fragiles, respirez, souriez, ralentissez » .

Souriez, souriez à la vie , souriez aux autres. Souriez à cette vie fragile et d’autant plus précieuse et délicate.  Fragile , limitée mais d’un grand prix. Souriez à vous-même et aux autres pour apprécier, goûter à la qualité et la beauté de chaque instant ,de chaque rencontre . Cette vie fragile ne tient qu’à un fil. Elle est un cadeau chaque jour renouvelé. L’autre fragile est une présence  qui m’est donnée, un cadeau renouvelé. Souriez lui !

« Sur la route de la vie nous sommes tous fragiles, respirez, souriez, ralentissez »

 Ralentissez, prenez le temps de vivre. Prenez le temps pour faire attention , pour prêter attention. Ralentissez pour regarder,  observer ,porter attention. Attention non pas seulement aux dangers mais à tout ce qui vous est donné, à ce qui surgit de beau et de bien. Ralentissez pour prêter attention aux autres. Prendre le temps de les écouter , de les accueillir, de les rencontrer. Ils sont fragiles et méritent attention.

Nous sommes tous fragiles. Dieu en Jésus-Christ prend le temps de respirer à notre rythme, de nous sourire et de ralentir le pas pour faire route avec nous.

A notre tour de respirer, de sourire, de ralentir en un mot de vivre !

Sur la route de la vie, nous sommes tous fragiles ! Dieu l’est avec nous.

Amen

Pasteur Denis Heller