Comment devenir disciple (dimanche 17 avril 2016)

Disciple

Texte biblique : Jean 21,1-19

Comment répondre à l’appel du Christ ?

Comment surmonter nos peurs et notre sentiment d’être indigne ?

La question se pose pour chacun de nous.

Elle est plus cruciale encore pour Pierre, le disciple ; car il ressent, avec une intensité extraordinaire, ce que chacun d’entre nous connaît si bien : la peur ainsi que le sentiment d’être coupable et ce double état d’esprit le possède.

D’abord la peur.

Alors que le Christ est ressuscité, Pierre et les autres disciples se sont enfermés dans une maison dont ils ont verrouillé les portes.

Ils connaissent la bonne nouvelle mais elle n’a pas encore agi en eux.

Alors la peur domine.

Peur d’être arrêtés.

Peur de devoir fuir toute leur vie les Romains et les chefs religieux.

Pierre fait alors cette découverte merveilleuse : même si nous sommes enfermés dans nos peurs, même si nous voulons nous protéger de toute intrusion, Christ est là, au milieu de nous, en nous. Et il nous donne sa paix : « que la paix soit avec vous ».

Il l’annonce même à trois reprises; parce que la paix prend du temps avant d’être vraiment reçue. Et cette paix finalement intégrée par les disciples va leur permettre de vivre un premier aspect de la vie chrétienne : le pardon.

Le pardon qui libère. Mais le pardon qui peut devenir un instrument de pouvoir.

Alors, pour qu’ils fassent un bon usage de ce don, Dieu leur confie un outil : le discernement qui permet de savoir quand il est bon de pardonner et quand il faut différer le pardon.

Car un pardon donné à contretemps culpabilise ou déresponsabilise.

Ainsi, au terme de cette première étape, Pierre a rencontré le Christ ressuscité; par le Christ, il a surmonté sa peur; il a même reçu l’antidote de la peur – la paix en Christ.

Alors, une mission lui a été confiée : pardonner et discerner quand le faire.

Ce parcours de la foi, chacun de nous peut le vivre.

Il peut recevoir la paix et devenir un ambassadeur du pardon.

Mais cela ne suffit pas.

Pour devenir témoin du Christ ressuscité et responsable d’Eglise, Pierre doit encore franchir une étape : dépasser son sentiment d’être coupable et donc indigne.

Pierre n’a plus peur mais il se sent toujours coupable.

Car, au moment crucial où Jésus était arrêté, juge, condamné, crucifié, au moment où le Christ lui-même aurait eu besoin d’être accompagné, Pierre, l’un des premiers disciples, a craqué: il s’est caché, et à trois reprises, il a renié Jésus.

A trois reprises.

Et même l’incroyable bonne nouvelle de Pâques ne le réconforte pas vraiment.

Pierre se sent coupable et cette culpabilité rend ce qu’il fait inefficace ou absurde comme cette scène involontairement comique au cours de laquelle Pierre pêche tout nu puis, voyant Jésus sur la plage, enfile ses vêtements et plonge dans l’eau, se retrouvant ainsi avec des habits trempés.

Mais le signe le plus patient de l’échec est cette nuit de pêche, sans un seul poisson attrapé.

Lui, Pierre, dont la pêche est son vrai métier, n’attrape plus rien.

Lui que Jésus a appelé à devenir pêcheur d’hommes ne peut plus accomplir sa mission.

Parce qu’il se sent coupable, son lien avec Dieu est abîmé.

Du coup, comment pourrait-il témoigner du Christ ressuscité ?

Dans la Bible, la barque symbolise l’Eglise.

Une Eglise qui se sent toujours coupable, et pense que le Christ ne peut rien contre cette culpabilité, une Eglise qui pense qu’elle devrait être parfaite pour mener une pêche fructueuse, ou, pire encore une Eglise qui se croit déjà juste et parfaite ne peut témoigner de Jésus-Christ.

Heureusement, le Christ se manifeste de nouveau sur le rivage.

Il appelle Pierre et sa seule présence rend la pêche fructueuse.

C’est comme s’il lui disait : l’important n’est pas tes erreurs, l’important n’est pas que tu juges digne ou pas, l’important, c’est ta relation avec moi, le Christ, et c’est cette relation abîmée qui doit se restaurer.

Pour qu’il en soit ainsi, Jésus l’appelle par son premier nom, Simon.

Une seule autre fois, il l’avait appelé ainsi : lorsqu’il l’avait invité à devenir son disciple.

Lorsque le Christ se rend présent en nous, lorsqu’il nous rappelle qu’il est déjà intervenu, c’est toujours pour nous inviter à renouveler notre engagement et à reprendre la route avec lui.

Pour ce faire, Jésus lui pose une question, à trois reprises.

Il le fait avec tendresse et lui demande : « m’aimes-tu ? »

Puis : « m’aimes-tu davantage que ceux-là ? »

Et probablement que Pierre entend : « M’aimes-tu plus que tous ceux qui n’ont pas trahi ? »

La triple question de Jésus fait évidemment écho au triple reniement de Pierre.

Jésus ne veut pas culpabiliser Pierre.

Il ne veut pas le figer dans le rôle de « celui sur qui on ne peut pas compter dans les moments cruciaux »

Par contre, il veut l’obliger à regarder en face son passé, ses erreurs, ses lâchetés, pour qu’enfin, il puisse tourner la page et réaliser que ce qui est décisif pour le disciple, ce ne sont pas ses qualités ou son courage mais sa confiance en Christ.

Seuls ceux qui se savent pécheurs et pardonnés peuvent devenir disciples car eux seuls savent que leur force ne repose pas sur leurs capacités intellectuelles ou morales mais en Christ.

Et ce sont ces personnes-là qui peuvent accompagner d’autres pécheurs sans les juger, les condamner, les rejeter.

Enfermé dans la maison, près de Jérusalem, Pierre a surmonté sa peur et a reçu du Christ la paix.

Pris dans les filets de la culpabilité et du sentiment d’indignité, il a compris que le Christ le connaissait, y compris dans ces zones d’ombre et que pourtant, il l’appelait à son service.

Alors, enfin, Pierre peut répondre à l’appel du Christ, formulé là encore à trois reprises : « Pais mes brebis ».

« Pais les brebis » renvoie au seul véritable Berger, au seul véritable pasteur : l’Eternel.

J’ai été pasteur au Chambon-sur-Lignon dans un village d’Auvergne où vivent des éleveurs de chèvres et de vaches.

Je sais donc qu’un berger a trois fonctions : guider le troupeau, le protéger des dangers et lui permettre de trouver de la nourriture.

Comme Pierre, tu répondras donc à l’appel du Christ en guidant ceux qui te sont confiés, en leur rappelant, à temps et à contretemps, la volonté de Dieu, son projet de paix, de justice, de défense des plus petits, de transmission d’une foi qui libère et relève.

Comme Pierre, tu répondras à l’appel du Christ en protégeant ceux qui te sont confiés des bêtes sauvages qui les menacent, en priant pour l’Eglise, en priant pour la France traversée par la violence terroriste et la peur de l’avenir, en agissant pour préserver tes frères et sœurs du découragement, de la solitude ou de l’absence de foi.

Comme Pierre, tu répondras à l’appel du Christ en permettant à ceux qui te sont confiés de trouver la nourriture dont ils ont besoin : l’éducation, des relations humaines fraternelles, un environnement naturel préservé et, bien sûr et avant tout, la foi.

« Pais mes brebis » dit Jésus à Pierre.

Que chacun de nous, pasteur ou laïc, homme ou femme, surmonte ses peurs et sa culpabilité, réponde à l’appel du Christ et y engage sa vie.

Amen !