Christ est ressuscité : et alors ? (Pâques 2016)

 

Prédication du dimanche de Pâques 2016

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Texte biblique : Jean 20,1-18

Christ est ressuscité !

Il est le premier né de ceux qui sont morts.

Il nous ouvre les portes de la vie éternelle.

Bonne nouvelle par excellence.

Centre de la foi chrétienne.

Et pourtant … la résurrection nous pose question.

Les disciples n’auraient pas eu des hallucinations ?

Pire encore, n’auraient-ils pas inventé cette histoire, parce qu’ils refusaient l’échec de la croix, l’échec de Jésus et de sa prétention à être le Messie, leur échec ?

Quant à notre propre résurrection, elle est également contestée.

A tout le moins, elle est contraire aux apparences.

Lorsqu’on se sent vieillir, lorsqu’on observe, dans sa propre chair, les signes d’une dégradation, lorsqu’on a perdu un être cher et. qu’on l’a mis en terre ou incinéré, il est difficile de croire en la résurrection.  

Et puis, elle est, au sens propre, inimaginable. Si je ressuscite, où me retrouverai-je ? Sous quelle apparence ? Est-ce que j’aurais éternellement 10 ans, 30 ans, 50 ans, 80 ans ? Est-ce que j’aurais plus ou encore moins de cheveux ?

Vous le voyez, dès que nous nous posons ce genre de questions concrètes, nous n’aboutissons à rien car la résurrection est au-delà de toute compréhension.

Certains en concluent logiquement que la résurrection n’est qu’une invention humaine, destinée à combattre notre peur de la mort, notre peur du néant.

Ils combattent parfois même l’idée de résurrection car elle nous ferait perdre de vue le seul bien précieux, réel, tangible : la vie, la vie humaine, terrestre, charnelle.

A force d’attendre la résurrection, les croyants n’oublieraient-ils pas la vie et la seule question qui vaille vraiment : Y a-t-il une vie avant la mort » ?

Ces questions et ces doutes ne sont pas l’apanage des athées.

Ils sont partagés par de nombreux chrétiens, probablement même par chacun d’entre nous, au moins à certains moments de notre existence.

Alors, ne pourrait-on pas alors laisser de côté la résurrection, trop problématique, et nous centrer sur le message d’amour de Jésus ?

Pour cheminer avec ces questions, penchons-nous sur les récits de la résurrection.

« Dans la nuit où commençait le dimanche, tandis que les soldats montaient à tour de rôle la garde par équipes de deux. Il y eut un grand bruit dans le ciel. Et ils virent les cieux s’ouvrir et deux hommes, brillant d’un éclat intense, en descendre et s’approcher du tombeau. La pierre roula d’elle-même … du tombeau sortirent trois hommes, et les deux soutenaient l’autre et une croix les suivait »

Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’un récit biblique qui vous aurait échappé.

Cette narration fait partie de l’évangile selon Pierre, écrit après les quatre évangiles et non retenu dans la Bible.

Par contraste, le récit de Jean est étonnamment pudique.

Jean ne décrit pas la résurrection du Christ. Il n’y a pas d’intervention céleste, pas de cieux qui s’ouvrent, pas de croix qui avance toute seule. Il y a seulement un tombeau ouvert et un envoyé de Dieu.

Ainsi, Jean n’entend pas impressionner les foules par une narration fantastique.

Il n’entend pas prouver la résurrection, par des indices matériels ou la solidité des témoignages.

Devant le tombeau ouvert, il n’y a ni effets spéciaux ni la foule.

D’ailleurs, selon Origène, si Hérode et Pilate s’étaient trouvés devant le tombeau vide, ils n’auraient rien vu, rien compris.

La foi en la résurrection ne se démontre pas.

Par contre, ses effets peuvent se constater aisément.

Les disciples qui s’enfuyaient au moment de l’arrestation de Jésus ou le reniaient, annoncent avec courage leur foi nouvelle et certains le feront jusqu’à la mort.

Aujourd’hui encore, des personnes timides, qui n’aiment pas prendre la parole, témoignent avec autorité de ce qu’elles ont ressenti, vécu, expérimenté. Elles peuvent dire à bon droit : « Ma vie a basculé parce que j’ai rencontré le Christ ressuscité. D’un seul coup, le brouillard qui l’entourait s’est dissipé ; je me suis relevé ; j’ai trouvé la joie et la paix qui me manquaient tellement »

Autre élément de réponse : pour évoquer la résurrection, Jean n’emploie pas un vocabulaire spécifique mais des verbes souvent utilisés dans son évangile : relever, guérir.

Il souligne ainsi la continuité de la résurrection avec le ministère de Jésus.

La résurrection n’est pas un « happy end » ou une fin mythique dont on pourrait se passer ; elle est indissociable des autres récits : l’enseignement de Jésus avec son commandement d’amour, ses rencontres, le pardon, la paix et la liberté, sa mort.

La vie de Jésus conduit à la résurrection, la résurrection accomplit la vie de Jésus.

Toutes deux pointent vers une même direction : la vie peut toujours se frayer une place.

Enrichis par ce détour, nous pouvons entendre une triple bonne nouvelle pour aujourd’hui.

D’abord, la résurrection du Christ est la victoire de la vie sur la mort.

Dieu a réveillé, relevé Jésus d’entre les morts.

Il est vraiment le Dieu de la vie.

Partager cette espérance, c’est bien sûr attendre avec confiance notre propre résurrection.

Oui, je crois, sereinement, que nos morts seront auprès de Dieu .

Je crois sereinement qu’un jour, j’y serai aussi.

Dès à présent, je crois, avec la même confiance, que Dieu me ressuscite spirituellement, moralement, socialement, psychologiquement.

Je crois qu’il fait revivre ce qui est mort en moi, qu’il me guérit de mes blessures intimes, qu’il me libère de mes démons intérieurs, de mes peurs, de mes difficultés.

La résurrection du Christ est aussi la promesse que l’échec n’a plus le dernier mot.

Jésus prétend ouvrir une ère nouvelle et il meurt sur la croix.

Il propose l’amour de Dieu pour tous et cette offre est massivement rejetée.

Il appelle à l’amour des ennemis et il meurt insulté par la foule.

Sans la résurrection, l’Evangile est un constat d’échec.

Echec de l’annonce du Royaume.

Echec des disciples, incapables d’accompagner Jésus jusqu’au bout.

Même les récits dits de résurrection sont initialement marqués par l’échec : sur le chemin d’Emmaüs, les deux disciples n’ont plus aucune espérance, les autres disciples se sont enfermés dans une maison, recroquevillés sur leur peur et leur déception

Sans la résurrection, l’Evangile porte bien mal son nom.

Ce n’est qu’au dimanche de Pâques que le mur de l’échec s’effondre.

Christ est ressuscité. Il n’est pas seulement un prophète ou un « homme bien » ; il est le Christ.

Les disciples avaient raison de croire en lui et de le suivre.

Une nouvelle ère s’ouvre.

Les pèlerins d’Emmaüs le reconnaissent et rendent grâce à Dieu, ceux qui sont enfermés sortent et partagent leur joie, les pêcheurs voient leurs filets déborder de poissons.

Il y a bien un au-delà de l’échec.

Cette bonne nouvelle est aussi pour nous.

Aucun échec n’est insurmontable.

Avec l’aide de Dieu, nous pouvons recommencer ce que nous avons raté ; nous pouvons donc oser et prendre le risque d’échouer.

Nos échecs peuvent même devenir source de croissance.

« Ose » écrit Michel Tournier, « expérimente et sache-le, si jamais tu venais à tomber, tu ne tomberas jamais plus bas que la main de Dieu ».

Ce peut-être une belle exhortation pour toi, Pierre-Alexandre.

Ce peut l’être aussi pour nos Eglises, parfois traversées par l’échec et le découragement.

C’est enfin vrai, et il est plus que jamais nécessaire de le rappeler, pour nos sociétés qui ne croient plus en la possibilité de s’extirper de la violence terroriste, du repli sur soi ou de la fragmentation sociale.

Le Dieu de Jésus-Christ ne se confond pas avec la fatalité.

Ceux qui se mettent à son école ne sont pas des résignés ni des courbés de la vie mais des êtres pour qui l’échec n’est qu’une parole avant-dernière.

Le mot ultime a été entendu le dimanche de Pâques.

La vie triomphera, elle triomphe déjà, ici ou là, pour qui veut bien voir.

Enfin, 3ème bonne nouvelle, nous savons désormais que « rien ne nous séparera de l’amour de Dieu ».

L’amour de Dieu pour le Christ est tel qu’il ne pouvait l’abandonner à la mort.

De même, Dieu te veut auprès de Lui.

La mort ne peut te séparer de Lui

Ta vie non plus.

Quels que soient tes doutes ou tes inquiétudes, tes erreurs ou ton manque de foi, rien ne peut empêcher Dieu de t’aimer, de t’ouvrir la porte.

Christ est ressuscité !

Un jour, tu ressusciteras !

Vis, dès à présent, de l’Evangile !

Amen !