« As-tu raison de te fâcher… ? »

Résumée du chapitre 3 :

Dimanche 21 juillet 2019  Centre 72, salle Bonhoeffer Culte avec Cène

Dimanche dernier, nous avons accompagné Jonas à Ninive où, enfin, il a prononcé la Parole que Dieu lui a confié pour l’annoncer au Ninivites : « Si vous ne changez pas vos habitudes et vos attitudes violentes, les uns envers les autres, dans quarante jours, votre belle ville n’existera plus! » … Et, miracle, les Ninivites se sont convertis, c’est à dire, ils ont changé leurs attitudes et habitudes destructeurs ! C’est ce que résume le dernier verset du chapitre 3 que nous avons lu, il y huit jours, en y ajoutant comment Dieu réagit à cette conversion : « Dieu vit leur réaction : ils revenaient de leur mauvais chemin. Aussi revint-IL sur sa décision de leur faire le mal qu’il avait annoncé. Il ne le fit pas » (Jonas3,10). …

Et voici la suite – et la fin du récit : Lecture : Jonas 4, 1 – 11

Prédication :  

Cette chute est à mourir de rire ! Vous ne trouvez pas ?… Attention, je n’ai pas dit qu’elle est ridicule…, que du coup, tout le récit de Jonas serait ridicule et ne pas à prendre au sérieux ! Bien au contraire ! Si je dis que cette chute du récit de Jonas est à mourir de rire, c’est que Dieu lui-même a quitté son majestueux trône céleste pour prendre la place du « fou du roi » : c’est Dieu même qui rit ; sans doute pas aux éclats, en tout cas pas devant son pauvre petit prophète malheureux, mais il sourit en lui-même, plein d’humour et de malice, en interpellant Jonas, par deux fois : « As-tu raison de te fâcher… ? »(« Fais-tu bien de te fâcher… ? »). … Mais attention, l’humour, le rire de Dieu n’a rien de sarcastique ! : Dieu ne se moque pas de son prophète ! Il fait preuve, au contraire, d’une grande finesse pédagogique envers Jonas, dans laquelle il montre, à la fois, tout son amour, sa tendresse paternelle pour Jonas et cherche, en même temps, à le faire cheminer doucement vers un changement de regard sur lui-même et les autres, en commençant par un changement de regard sur Dieu. Ce Dieu dont Jonas n’a pas encore compris, au sens de « reconnu », « accepté », l’universalité de son Amour : non pas réservé à son seul peuple élu, comme l’ont encore largement affirmé ses collègues-prophètes avant lui, mais à tous les peuples, y compris les ennemis jurés d’Israël que sont les Ninivites !… Au fond, ce dont nous parle ce 4e chapitre du récit de Jonas, ce n’est pas tellement de la conversion réussie des Ninivites, mais plutôt de celle, encore et toujours à accomplir de Jonas lui-même, et, visiblement, ce n’est pas encore gagné ! Même après l’épisode du « retour sur soi » dans le ventre du gros poisson, alors qu’on pensait que la conversion de Jonas était acquise, il n’en est rien ! Jonas s’est tourné vers Dieu, il est entré en dialogue, c’est vrai, mais il n’éprouve toujours pas d’amour pour ses ennemis.

« Aujourd’hui, nous voyons (encore) au moyen d’un miroir, d’une manière confuse… Aujourd’hui je (ne) connais (que) partiellement… » (1Cor.13,12), comme l’écrira quelques siècles plus tard l’apôtre Paul, pour rappeler que notre conversion à l’amour est toujours et encore à faire, jamais complètement accomplie et que nous avons, pour cela, toujours besoin d’être de nouveau interpellés dans notre façon de vivre, de croire et de recevoir l’Évangile…. Le récit se termine avec une dernière interpellation de Dieu qui dit à Jonas sa compassion pour les Ninivites et qui appelle une réponse du prophète que l’on peut imaginer compliquée ! Face à la laborieuse conversion du prophète Jonas pour reconnaître et apprécier Dieu comme Père aimant de tous les humains, de tous les peuples, la conversion des païens-marins ainsi que celle des 120 000 Ninivites n’était qu’un « jeu d’enfant» !! … « As-tu raison de te fâcher… ? » (« Fais-tu bien de te fâcher… ? »).

Qui d’entre nous qui est lui-même père (ou mère) d’enfants, ne connaît pas cette interpellation adressée à un fils, une fille qui refuse de partager son jeu avec son frère ou sa sœur ?

« As-tu raison de te fâcher… ? » (« Fais-tu bien de te fâcher… ? »).

Je l’entends aussi – avec Jonas – comme une interpellation de ma propre difficulté à croire et à faire confiance en Dieu, père de tous les humains, y compris de ceux que j’ai du mal à comprendre et à supporter… et qui auraient bien mérité, de temps en temps, une petite leçon ! …

Mais l’Amour de Dieu est aussi gratuit et immérité qu’un ricin ou tout autre arbre qui me permet de m’abriter… Il me conduit, doucement, mais résolument, sans se lasser jamais, à me convertir chaque jour de nouveau au regard de bonté et de bienveillance sur tous mes sœurs et tous mes frères … !

L’histoire s’arrête sur un silence : Nous ne savons pas si Jonas s’est finalement converti à l’amour de Dieu. … Et nous ? …Nous savons qui a annoncé et vécu l’Amour de Dieu après Jonas : Jésus de Nazareth que nous confessons – avec tous les chrétiens et toutes les Eglises comme « Christ », c’est à dire, non seulement comme prophète, tel que Jonas, mais comme incarnation ultime de cet AMOUR – sans mérites, sans conditions … et sans frontières de race, de culture, de religion

Mais sommes-nous vraiment conscients de ce que cela signifie pour nous … et pour les autres ? …

Dans les Évangiles, nous trouvons, une allusion à l’histoire de Jonas, qui pourrait bien nous aider à approfondir cette question : C’est l’histoire de ces Pharisiens qui, un jour, demandent à Jésus un signe pour « prouver » que son Évangile est vraiment un message qui vient de Dieu :

« En fait de signe », leur répond Jésus, « il ne vous en sera pas donné d’autre que le signe du prophète Jonas. Car tout comme Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits ». Puis, il leur rappelle l’exemple des Ninivites qui « se sont convertis à la prédication de Jonas ; eh bien ! ici il y a plus que Jonas ». Alors, ce signe de Jonas, que signifie-t-il ? Dans un premier temps, on pense aux trois jours dans le ventre du poisson, qui annonce les trois jours de Jésus dans la tombe après une mort violente et tragique. Voici le signe donné : le passage par la mort. Un signe de mort, en attente de résurrection, de relèvement. Le signe de Jonas est celui d’un Dieu qui se révèle en la personne d’un crucifié, condamné à mort pour motif de blasphème par les religieux de son époque. …

Mais le signe de Jonas a pour Jésus sans doute encore un deuxième sens :

Du temps de la rédaction du livre de Jonas, la conviction encore largement partagée au sein de l’élite religieuse était que la Parole de Dieu s’adressait exclusivement à son peuple… ce qui a provoqué quelques frictions ségrégationnistes dont les livres d’Esdras et de Néhémie témoignent. Le livre de Jonas défend une autre attitude vis à vis des peuples « païens » : Ils sont, eux aussi, au bénéfice de la bénédiction de Dieu – qui se soucie de leur sort autant que du sort de son « peuple » ! …

C’est ce que le SEIGNEUR affirme dans un plaidoyer exemplaire et touchant dans son dialogue avec Jonas – qui a tellement de mal à se réjouir de la conversion des Ninivites ! (A-t-il seulement remarqué celle des marins païens ?) … Oui, l’AMOUR de Dieu est vraiment universel !

Il ne fait pas de distinction de valeur entre les peuples :

Tous sont autant ses enfants bien-aimés, d’où qu’ils viennent et quel que soit leur culture, leur langue, la couleur de leur peau et même leur religion !

Mais alors, quel est alors le rôle particulier du « peuple élu » ? Et quelle est la place de ceux qui forment, depuis Jésus, « l’Église du Christ » ?

C’est d’être – en paroles et en actes – témoins que Dieu s’adresse aux humains, qu’il ne les laisse pas livrés au mal et au malheur et qu’il propose à chacun un chemin de vie.

Cette parole de Dieu s’adresse d’abord à nous, personnellement, et cette conversion de moi-même est peut-être pour Dieu plus difficile que la conversion de tous les Ninivites !

Amen.

Pasteur Andréas Seyboldt