A quoi notre Eglise sert-elle ? (AG 26 mars 2017)

Dimanche 26 mars 2017

Texte biblique : Colossiens 1, 3-11

Aujourd’hui, nous sommes réunis pour débattre de notre vie communautaire.

Il ne s’agit pas seulement d’une obligation légale, ni même d’un exercice démocratique ; l’Assemblée générale a principalement une dimension spirituelle. En effet, elle nous interroge sur notre vocation personnelle et communautaire. Elle engage chacun d’entre nous, non seulement à être présent mais également à discerner, proposer ce qui est bon pour servir Dieu.

C’est pourquoi, en amont de nos préoccupations immédiates, je nous poserai deux questions : quelle est notre vocation et comment y répondre fidèlement ?

Paul aborde ces thèmes dans sa lettre aux Colossiens.

S’il n’a pas directement créé cette communauté de Colosses, il la connaît très bien.

En effet, ses deux conducteurs spirituels, Epaphras et Philémon, se sont converti à la suite de la prédication de Paul à Ephèse.

Une Eglise s’est ainsi édifiée, sur un terreau riche mais difficile.

A Colosses une forte colonie juive cohabite avec des adeptes de religions à mystères, des cultes initiatiques, où le fidèle se veut en communion avec les puissances cosmiques.

Les chrétiens de Colosses ont tenté de combiner leur foi nouvelle en Christ, leur héritage juif et ces démarches mystiques.

Paul leur écrit pour ce motif.

Contrairement aux Corinthiens ou aux Galates, il ne leur reproche pas des divisions, des désordres ou des rivalités mais une confusion spirituelle.

C’est pourquoi, dès l’introduction à sa lettre, Paul entend refonder la foi des Colossiens.

Alors, l’apôtre rappelle d’abord la vocation de l’Eglise : vivre et transmettre la Bonne nouvelle.

Il s’attarde surtout sur la question du « comment » : comment répondre à cette vocation ? Comment vivre et transmettre l’Evangile ?

Le premier élément de réponse est donné par la nature même de l’Eglise.

Fondamentalement, affirme Paul, l’Eglise est conduite par le Christ.

Ce dernier est à la tête de l’Eglise.

Il est la tête de l’Eglise.

Paul ne pose pas là une pétition de principe ou une formulation doctrinale sans prise avec la réalité. Il affirme que l’Eglise, celle de Colosses comme celle de Bois-Colombes, ne peut répondre à sa vocation que si elle se laisse orienter, diriger par le Christ, comme le corps se laisse animer par la tête.

Qu’est-ce cela peut bien signifier, pour nous aujourd’hui ?

D’abord, par Eglise, Paul n’entend pas une réalité purement mystique, céleste et invisible.

Quand il parle d’Eglise, il pense à la vie communautaire, à notre culte, nos groupes, nos projets, notre Entraide, nos mouvements de jeunesse, notre façon de vivre avec les autres communautés.

Quand il parle d’Eglise, il pense à chacun de nous, à notre foi, nos engagements dans l’Eglise, nos choix éthiques, familiaux, professionnels.

Tous ces groupes, projets et engagements personnels ne répondent à leur vocation que s’ils sont inspirés et animés par le Christ.


Concrètement, cela passe par un approfondissement spirituel.

Beaucoup d’entre nous sont mal à l’aise dès que nous abordons ce thème.

Pourtant, la vie spirituelle évoque une réalité toute simple : notre vie intérieure, animée par Dieu.

La foi protestante a apuré les pratiques religieuses, supprimé ou simplifié de nombreux rites ou sacrements. Elle a voulu, ainsi recentrer la vie spirituelle sur l’essentiel : la prière et une lecture croyante de la Bible.

Aujourd’hui, je crains que nous n’ayons parfois perdu de vue cet essentiel.

Il est donc prioritaire d’approfondir notre spiritualité, de retrouver le chemin de la prière, de relire ensemble la Bible pour nous l’approprier.

Paul va plus loin.

Il prône une vie spirituelle riche et ardente mais il se méfie d’une foi désincarnée, sans contenu théologique, sans application pratique ; il se méfie d’une foi « new age », en quête d’émotion spirituelle ou d’un développement personnel en soi, pour soi, par soi.

Alors, aux Colossiens comme aux « Centre 72iens », Paul rappelle que le Christ, tête de l’Eglise, n’est pas une puissance spirituelle cosmique ou un réservoir d’ondes positives rendant zen.

La foi n’est pas qu’un sentiment.

En Christ, elle a un contenu, que Paul appelle l’Evangile, la « Bonne Nouvelle ».

– Bonne nouvelle d’un amour de Dieu offert à tous les humains et pas seulement aux fidèles ou aux gens biens.

– Bonne nouvelle d’un amour qui n’attend pas en réponse l’obéissance à des règles, des rites et des lois mais la foi, l’amour et l’espérance.

– Bonne nouvelle d’une vie libre, sans destin, fatalité, bonne ou mauvaise étoile, une vie ouverte au cours de laquelle je peux, à tout instant, « naître de nouveau ».

– Bonne nouvelle d’un Messie qui rejette tout pouvoir, toute domination et ne fait que servir, aimer, pardonner, quitte à en mourir sur une croix.

– Bonne nouvelle d’un Dieu veut me donner de bonnes choses et m’invite à les lui demander dans la prière : la paix, le pardon, la joie.

– Bonne nouvelle de la résurrection du Christ et de notre propre résurrection.

Ce contenu de la Bonne nouvelle est à recevoir, travailler, comprendre, expérimenter.

Il constitue la matière de nos cultes dominicaux.

Il est au cœur de notre travail biblique en groupes, et je tiens à rappeler que l’enjeu d’un partage ou d’un enseignement biblique n’est pas l’érudition mais une meilleure appropriation de la Bonne nouvelle.

Il est au coeur de notre catéchèse des enfants et adolescents.

Mais l’appropriation de la Bonne nouvelle ne se limite pas à ces groupes-là.

Elle concerne également nos mouvements de jeunesse, nos actions d’entraide, notre vie culturelle, notre façon de vivre ensemble, le scoutisme etc.

Il s’agit d’agir, aider, animer, jouer, chanter, nous confronter avec la culture de notre temps, avec, toujours, cette préoccupation de recevoir l’Evangile pour en vivre.

Alors, des fruits nous sont promis.

Je terminerai par là.

D’abord, l’amour, c’est-à-dire l’attention portée à l’autre, le regard favorable et bienveillant posé sur lui, la conviction que même le plus lointain est un prochain.

Cet amour est un don de l’Evangile.

Deuxième fruit : la foi : une foi, ni désincarnée ni dogmatique ; une confiance tranquille, une sereine assurance de la proximité bienveillante de Dieu, une foi qui invite la responsabilité et à l’engagement dans la société, une foi qui irrigue nos quatre associations mas aussi nos engagements syndicaux, humanitaires, politiques.

Troisième fruit : la croissance de l’Evangile.

La Bonne Nouvelle, lorsqu’elle est reçue et vécue par les membres de l’Eglise, se diffuse.

Nous nous demandons comment faire venir de nouvelles personnes au temple et nous avons raison. Pour ce faire, nous entendons proposer de nouvelles activités et nous avons raison. Mais l’Evangile ne se diffusera en dehors de nos murs que si nous sommes solidement adossés à cette bonne nouvelle.

Comment un réservoir pourrait-il déverser une eau qu’il n’a pas ?

Comment une Eglise pourrait-elle répandre un Evangile qu’elle n’a pas reçu en abondance ?

Alors, collectivement et personnellement, recevons, travaillons, approprions-nous cette Bonne Nouvelle !

Amen !